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Observateurs et analystes divergent sur les tenants et aboutissants des manifestations déclenchées par la réélection d'Ahmadinejad. Crise d'un régime plus que jamais divisé ? Ou colère populaire aux relents insurrectionnels ?

Au pouvoir depuis février 1979, l'actuel régime iranien fait face à la plus grave crise de son Histoire. Face à un mouvement de protestation subit et sans précédent, les mollahs s’efforcent de contenir le mécontentement : répression des manifestations, arrestations de réformateurs et verrouillage de la presse et des canaux de communication, sites web de socialisation en tête (Facebook, Twitter).

La situation est diversement analysée par les observateurs et les spécialistes de la politique iranienne. Depuis dimanche, des éditorialistes se demandent si, la tension s’accentuant, le pays n’est pas ‘’au bord de la guerre civile’’.

Un tournant dans l'histoire du régime clérical

S’il se garde de faire sienne cette perspective, le journaliste franco-iranien Armin Arefi évoque un ‘’tournant’’ dans l’histoire du régime clérical. A l’ordre du jour depuis trente ans, ‘’l’union sacrée’’ entre les différents composantes du régime ‘’est en péril’’, observe-t-il. En atteste, selon lui, ‘’l’ampleur des dissensions’’ entre conservateurs attachés au dogme de la révolution de l’ayatollah Khomeiny et réformistes soucieux de changements.

Auteur d’un essai au titre provocateur (‘’Le douzième imam est une femme ?’’), l’écrivaine et journaliste Fariba Hachtroudi, interviewée par FRANCE 24, n’exclut pas une implosion du régime. A la différence des crises antérieures, celle qui agite le pays depuis l’annonce des résultats de l’élection n’est plus confinée aux seuls cercles du pouvoir. ‘’La boîte de Pandore est ouverte. Aujourd’hui, la rue a parlé. Déterminée à aller jusqu’au bout, la population est entrain de dire non’’ au régime.

Pariant à fond sur Moussavi, un acteur ‘’visiblement décidé à soutenir la rue’’, Fariba Hachtroudi le crédite d’une capacité de changement. Selon elle, si le candidat réformateur joue le rôle du ‘’Gorbatchev iranien’’, il peut contribuer à ‘’faire imploser le régime’’ de l’intérieur.

Moussavi : opposant ou apparatchik ?

Plus distancés, des experts occidentaux adoptent une lecture plus prudente de l’accélération des évènements. Sans nier la gravité de la crise, ils hésitent à accréditer l’idée d’une poussée insurrectionnelle nourrie par la seule volonté des Iraniens d’en finir avec les tombeurs de la dynastie Pahlavi.

Les manifestations organisées par les partisans de Moussavi exprimeraient donc moins une colère populaire qu’un effet collatéral de la lutte des clans au sein même de l'appareil du pouvoir. En dépit des ‘’fortes turbulences’’ qui secouent le pays depuis le 12 juin, Denis Bauchard, de l’Institut français des relations internationales (IFRI), cité par l’AFP, ‘’ne pense pas que le régime soit aux abois". Le risque d’une répression brutale existe mais "le régime [ne devrait pas] vaciller sur ses bases", note-t-il. Ce qui se passe ‘’n’est pas une opposition’’ entre une force extérieure au régime et ‘’le régime lui-même’’, ajoute-t-il.

Chef de file de la protestation, Mir Hussein Moussavi n’est pas à ses yeux un opposant au sens classique du terme mais ‘’un conservateur, un apparatchik quoique plus pragmatique que les autres’’.