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Non, l’AFP n’a pas affirmé que Bamako allait tomber aux mains des djihadistes
Un ancien directeur de la télévision malienne a affirmé que l’AFP aurait annoncé que la capitale malienne était sur le point de tomber aux mains des djihadistes du JNIM, un mouvement terroriste lié à Al-Qaïda. Aucune des 98 dépêches de l’AFP publiées depuis le 1ᵉʳ octobre et parlant de Bamako n’a fait mention d’une prise imminente de la ville, qualifiée par l’agence de "peu probable".
Contrairement à ce qu’a affirmé un ancien directeur de l’ORTM, l’AFP n’a jamais affirmé que Bamako était sur le point de tomber. © Facebook

Alors que le blocus visant à perturber l'approvisionnement de Bamako en carburant, imposé par les djihadistes du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (JNIM), un mouvement terroriste affilié à Al-Qaïda, s’est nettement desserré ces derniers jours, Salif Sanogo, un ancien directeur de l’ORTM, l’audiovisuel public malien, accuse l’Agence France Presse (AFP) de désinformation. 

Dans une interview donnée le 30 novembre à la chaîne de télévision malienne Advance TV, Salif Sanogo affirme que l’agence de presse française aurait annoncé une fausse information : la prise imminente de Bamako par les djihadistes du JNIM. Cette déclaration de l’AFP aurait été diffusée dans le cadre d’une "cabale médiatique contre le Mali" servant, selon lui, à justifier une intervention française dans le pays.

Salif Sanago incrimine plus particulièrement le bureau de l’AFP basé à Dakar, qui aurait prétendument publié l’information non vérifiée dans ses dépêches : 

"Une agence de presse, qui est une agence de presse française donc, [...] a "balancé", dans le terme journalistique, une information. Et c'est fait à dessein. 

[...] 

Cette agence a fait une dépêche et l'agence n'a pas de correspondant présent au Mali, mais a des correspondants à Dakar. Et à partir de Dakar, ils appellent des gens sur le terrain pour faire une dépêche, mais ils n'ont pas vu, ils n'ont pas de source vérifiée. Ils envoient ça dans les grandes rédactions et ces rédactions également reprennent en boucle. Donc comme dans une belle symphonie et c'est de là où le problème est parti.

[...]

Donc quelque part, même si c'est pas orchestré, on se dit quand même que le timing fait bizarre. Et surtout qu'on disait que Bamako était sur le point de tomber. Bon, quand on donne ce genre d'information et qu'on a pas de sources fiables sur le terrain, on doit s'abstenir. Il aurait fallu peut-être utiliser le conditionnel, mais ils ont été affirmatifs."

Contrairement à ce qu'a affirmé Salif Sanogo le 30 novembre 2025, l’AFP Dakar n’a jamais affirmé que Bamako était sur le point de tomber. Source Facebook

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Aucune dépêche de l’AFP n’a annoncé la chute imminente de Bamako

Ces propos sont erronés. La rédaction des Observateurs a analysé le contenu de 98 dépêches publiées par l’AFP (un nombre qui comprend les rediffusions et les résumés) du 1er octobre au 2 décembre, contenant le mot clé "Bamako". 

Aucune de ces dépêches n’a mentionné une chute ou une prise imminente de Bamako par le JNIM, même au plus fort de la crise du blocus, le 31 octobre, quand que les ambassades des États-Unis et du Royaume-Uni ont annoncé leur décision de retirer leur personnel non essentiel du Mali.

Si la dépêche publiée ce jour-là rapporte bien le commentaire "d’une source diplomatique" décrivant une "situation volatile", "une avance jihadiste [qui] inquiète" et "une capitale qui se fragilise", cette même source indique en même temps qu’elle ne se veut pas "alarmiste". Les experts interrogés par l’AFP décrivent bien une "dégradation critique et rapide de la sécurité, même aux alentours de Bamako", mais ne pronostiquent pas une prise rapide de la ville.  

Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, la direction de l’AFP déclare ainsi "qu’elle n'a jamais affirmé dans ses dépêches que Bamako était sur le point de tomber. Bien au contraire, nous avons écrit à de nombreuses reprises qu'une prise de Bamako était "peu probable".

L’agence a répondu explicitement à la question "Bamako peut-elle tomber ?" le 7 novembre, précisément le jour où la diplomatie française émettait une recommandation de quitter temporairement le Mali "dès que possible" à l’intention de ses ressortissants. La dépêche, titrée "Asphyxiée par les jihadistes, la junte malienne aux abois", souligne que "l’hypothèse [d’une chute de Bamako est] peu probable à ce stade, selon les observateurs, le JNIM n'en ayant pas les capacités militaires ou de gouvernance".

La prise de Bamako est également qualifiée de peu crédible dans le cadre d’une autre dépêche publiée le 11 novembre et rediffusée le 17 novembre.

Enfin, auprès de la rédaction des Observateurs, l’AFP déclare qu’elle a "largement fait état de l'amélioration de l'approvisionnement en carburant dans la capitale dès le 10 novembre" avec cet article "Mali : reprise progressive des cours à Bamako et dans le reste du pays", puis de nouveau le 28 novembre avec une dépêche intitulée "À Bamako, nette amélioration de l'approvisionnement en carburant."

Le 7 novembre dernier, des publications virales avaient déjà affirmé que BFM TV avait annoncé que Bamako allait tomber aux mains des djihadistes. Comme l’a démontré notre article sur cette affirmation, il s’agissait aussi d’une fausse nouvelle, la chaîne d’information en continu n’ayant jamais diffusé les propos qu’on lui avait prêtés.

Selon les experts interrogés par la rédaction des Observateurs, la prise de Bamako par le JNIM reste militairement et politiquement peu probable à court terme.