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LFI et islamisme : une commission d'enquête qui peine à cacher ses arrière-pensées politiciennes
Après Marine Tondelier, la cheffe des écologistes, Jean-Luc Mélenchon doit être auditionné samedi par la commission sur les liens entre mouvance islamiste et partis politiques. Mise en place à l'initiative du député LR Laurent Wauquiez, la cette commission est accusée par la gauche d'avoir été taillée sur mesure pour nuire à LFI avant les municipales de 2026. 
Le fondateur du parti français de gauche La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, participe à une manifestation de solidarité avec les Palestiniens à Paris, le 29 novembre 2025. © Julien De Rosa, AFP

C'est une confrontation qui risque de faire des étincelles. Jean-Luc Mélenchon, le fondateur de la France insoumise (LFI) sera auditionné samedi 6 décembre à 14 heures par les membres de la commission sur "les liens existants entre les représentants de mouvements politiques" et les réseaux islamistes, dont les travaux ont débuté au mois d'octobre.

Véritable plat de résistance, la venue de Jean-Luc Mélenchon n'avait rien d'une évidence malgré le caractère obligatoire d'une convocation devant une commission parlementaire. Depuis plusieurs jours, LFI laissait planer le doute. Dimanche, le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, avait estimé que les Insoumis ne devaient pas répondre aux "invitations" de la commission d'enquête car elle "ne respecte pas les règles".

Le bureau (président, vice-présidents, secrétaires...) de cette commission ne comprend en effet aucun député issu de groupes de gauche, alors que le règlement dispose que ces nominations doivent se faire en s'"efforçant de reproduire la configuration politique de l'Assemblée".

"Bien qu'il ne soit plus député, ni responsable du mouvement ou président du groupe parlementaire, et bien que cette commission d'enquête ne respecte pas le règlement de l'Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon se déclare prêt à répondre à cette invitation", a indiqué le service de presse de LFI.

Le ministre de la Justice Gérald Darmanin doit également être entendu le même jour par les députés qui ont déjà auditionné plusieurs personnalités ou responsables, comme le directeur du renseignement de la Préfecture de police de Paris ou le ministre de l'Intérieur Laurent Nunez, des auteurs d'ouvrages visant La France insoumise mais aussi des chercheurs universitaires.  

"Manger halal ne menace pas la République"

Le 2 décembre, c'est la patronne des écologistes, Marine Tondelier, qui est passée sur le gril. Venue du rappeur Médine, accusé d’antisémitisme, lors des universités d’étés des Écologistes en 2023, polémique sur le burkini à Grenoble, ville dirigée par un maire écolo, ou encore lien entre Marine Tondelier et l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri... Les députés se sont bien souvent contentés d'énumérer une série de controverses éloignées du cœur du sujet.

"La moitié de vos remarques n’avaient pas grand-chose à voir avec l’entrisme islamiste", a constaté Marine Tondelier, rappelant à propos du burkini que "la laïcité ne s’applique pas à la piscine, ce sont les lois d’hygiène qui dépendent de l’établissement". 

"Aller prier, porter un voile, manger halal ne menace pas la République. Ce qui menace la République, ce sont des organisations religieuses ou idéologiques structurées, diffusant la haine et cherchant à imposer des normes contraires aux droits et aux libertés publiques, y compris des organisations catholiques, comme l'a montré l'exemple de l'association d'extrême droite intégriste Civitas", a encore estimé la patronne des écologistes.

Après plus d'un mois et demi d'audition, cette commission d'enquête, dont le président est le LR Xavier Breton et le rapporteur le ciottiste Matthieu Bloch, semble avoir manqué sa cible. Si les députés ont évoqué la menace terroriste islamiste, le séparatisme, la laïcité ou encore les influences étrangères, bien peu d'éléments ont émergé sur "les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste".

Exemple révélateur avec l'audition de Nicolas Roche, secrétaire général du SGDSN (Secrétariat général de La Défense et la Sécurité nationale), le 6 novembre. "Quels liens identifiez-vous entre des mouvances islamistes et des mouvements politiques français ? Ces liens sont-ils particulièrement marqués dans certains mouvements ou partis politiques ?", presse le rapporteur Matthieu Bloch après un long échange sur la question des ingérences numériques. Réponse de l'intéressé : "Je n’ai aucune compétence sur le sujet".

Entendu fin octobre par la commission, le chercheur au CERI de Sciences Po Laurent Bonnefoy a confié sa "réticence" à parler "d'influence islamiste sur les élus" en France.

"La place de l’islamisme [...] en tant qu’interface avec des décideurs politiques, est minime : il n’y a ni élu ni parti islamiste", affirmait le politiste. "On peut observer, localement, un clientélisme autour d’acteurs religieux musulmans dans le cadre, par exemple, de l’attribution de financements à des associations qui seraient à la limite de ce qui est permis par la loi de 1905. Mais il me semble que ce type de clientélisme n’a pas pleinement de couleur politique".

"Tout sauf LFI"

Là où la commission devait faire la lumière sur les "compromissions de certaines forces politiques avec les islamistes et les ennemis de la France", selon les mots de Laurent Wauquiez, le président du groupe parlementaire "droite républicaine", les résultats s'annoncent bien minces, renforçant les soupçons d'une instrumentalisation politique. 

Retoquée début juin, la demande de création de la commission avait finalement été validée grâce au vote des élus Renaissance après avoir été expurgée de ses mentions à la France Insoumise. Pour Laurent Wauquiez, il s'agissait de reprendre la main après son humiliante défaite face à Bruno Retailleau pour la présidence des Républicains.

Avant les élections municipales de mars 2026, la commission agit désormais comme un moyen de désigner l'ennemi commun pour resserrer les rangs à droite face au péril que représenterait le parti de Jean-Luc Mélenchon, accusé de dérive "antisémite" et "communautariste". 

Invité mercredi sur TF1, Laurent Wauquiez a confirmé la règle en cas de second tour sans candidat LR : "Tout sauf LFI", a martelé le député de la Haute-Loire, marquant un tournant par rapport aux législatives de 2024 où le parti n'avait pas donné de consigne de vote.

"Cela veut dire voter blanc, voter pour ceux qui sont en face, quel que soit le parti", a expliqué le conseiller régional d'Auvergne Rhône-Alpes dont le parti a pourtant largement bénéficié du front républicain contre le Rassemblement national (RN) lors des dernières législatives. 

Un an après le psychodrame déclenché par le pacte entre Eric Ciotti, alors président de LR, et Marine Le Pen, la normalisation de l'extrême droite poursuit son bonhomme de chemin à l'ombre de la diabolisation de "l'extrême gauche".