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Crash du vol MH17 en Ukraine : pourquoi avoir recours à un tribunal spécial ?

Un an après le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines en Ukraine, la Malaisie plaide pour la création d’un tribunal pénal international. Une initiative qui se heurte aux réticences de la Russie.

On connaissait le tribunal spécial pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), le Rwanda et la Sierra Leone. On pourrait dorénavant voir naître le tribunal spécial pour le crash du vol commercial MH17 de la Malaysia Airlines. Ce dernier, qui assurait la liaison Amsterdam - Kuala Lumpur, a été abattu en plein air, le 17 juillet 2014, alors qu’il survolait une zone ukrainienne tenue par les insurgés séparatistes pro-russes, causant la mort des 298 personnes à bord. Un an plus tard, la lumière n’a toujours pas été faite sur ce tragique évènement.

Ainsi, un projet de résolution a été déposé aux Nations unies, quelques jours avant la date anniversaire du drame, par la Malaisie, les Pays-Bas, la Belgique, l'Australie et l'Ukraine. Le projet prévoit "l'établissement d'un tribunal international dans le seul but de poursuivre les personnes responsables des crimes liés à la destruction en plein ciel du vol MH17 de Malaysia Airlines". Des faits, donc, très limités, alors que la guerre en Ukraine perdure dans l’est du pays.

Selon une source anonyme contactée par la correspondante de France 24 à New York, Sophie Pilgrim, ce tribunal pénal pourrait ressembler à celui créé en 2009 pour démêler le vrai du faux dans l’affaire de l’assassinat de l'ex-Premier ministre libanais Rafiq Hariri, en 2005.

"La meilleure option"

Le tribunal serait la "garantie efficace d'un processus indépendant et impartial pour que les responsables rendent des comptes", est-il précisé dans le projet de résolution diffusé le 8 juillet par la Malaisie. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a de son côté estimé qu'un tribunal spécial de l'ONU était la "meilleure option" pour juger les responsables du crash.

Cette solution présente en effet des avantages par rapport à la Cour pénale internationale (CPI), la juridiction indépendante habilitée à juger notamment les crimes de guerre. La CPI ne peut en effet intervenir que si le crime a été commis sur le territoire d’un État reconnaissant sa compétence, ou si le mis en cause est un ressortissant d’un de ces États. Or, ni l’Ukraine ni la Russie n’ont signé la convention qui reconnaît la Cour comme compétente.

"Si la Russie reconnaissait la compétence de la CPI, elle serait impliquée dans d’autres dossiers que la Cour serait susceptible de constituer contre elle, comme les conflits en Tchétchénie ou en Géorgie", explique, à France 24, une source proche des dossiers souhaitant garder l’anonymat. "Un tribunal spécial, en revanche, concerne un conflit ou un fait donné et uniquement ce fait-là."

La création d’un tel tribunal passe par un vote au Conseil de sécurité de l’ONU, où la Russie est un membre permanent. "Moscou pourrait accepter d’établir cette juridiction pour donner l’apparence d’un État respectueux des règles internationales et faire oublier ses travers dans d’autres dossiers", estime la même source.

"Prématuré et contre-productif"

Pourtant, rien ne garantit pour l’instant que la Russie accepte l’établissement de cet arsenal judiciaire. L’initiative de la Malaisie est d’ailleurs vue d’un mauvais œil par Moscou qui entend brandir son droit de véto, comme l’a prévenu l’ambassadeur russe à l’ONU. Un tel tribunal serait "inopportun et contre-productif", a estimé jeudi 16 juillet le président Vladimir Poutine après un entretien téléphonique avec le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.

"Vladimir Poutine a expliqué en détail la position russe concernant l'initiative prématurée et contre-productive de plusieurs pays, dont les Pays-Bas", a indiqué le Kremlin dans un communiqué. Avant de "mettre en place un mécanisme judiciaire et traduire en justice les coupables de ce crime, il faut terminer l'enquête internationale, qui doit être minutieuse et objective, indépendante et impartiale".

Selon Kiev et ses alliés occidentaux, le missile sol-air, de fabrication russe, qui a abattu le vol MH17 a été tiré par des séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine. La Russie affirme, elle, que le missile provenait d'un avion de l'armée de l'air ukrainienne.