Déplacement délicat : Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances, rencontrera, jeudi, son homologue allemand Wolfgang Schäuble. Si la Grèce se montre plus conciliante sur la question de la dette, Berlin n’a pas relâché la pression sur Athènes.
Leur rencontre n’était pas prévue au programme de la tournée européenne de Yanis Varoufakis. Finalement, le ministre grec des Finances s’est mis d’accord avec son puissant homologue allemand, Wolfgang Schäuble, pour discuter de la dette grecque. Leur face-à-face aura lieu à Berlin, jeudi 5 février. Les négociations entre les deux confrères ennemis du moment promettent d’être "pour le moins délicates", assure le quotidien conservateur allemand "Frankfurter Allgemeine Zeitung".
Le gardien allemand de l’orthodoxie budgétaire n’a, par le passé, pas eu que des mots doux à l’égard de Syriza, le parti de gauche radicale qui a remporté les élections législatives grecques du 25 janvier. Avant la victoire de cette formation qui milite pour l’effacement d’une partie de la dette hellène, Wolfgang Schäuble avait mis les Grecs "en garde contre les partis qui promettent des choses impossibles à tenir".
La Grèce doit 65 milliards d’euros à l’Allemagne
Il ne ratait pas une occasion pour rappeler qu’une dette est une dette. Surtout lorsqu’elle s’élève à 65 milliards d’euros, soit la contribution de l’Allemagne aux deux plans de sauvetage de la Grèce (en 2010 et 2012).
Le ton était encore plus dur au sein de la chancellerie allemande. Quelques jours avant les législatives grecques, plusieurs médias allemands affirmaient que Berlin disposait d'un plan pour une sortie de la Grèce de la zone euro. Une manière de dire que si Alexis Tsipras, le leader de Syriza, devenait Premier ministre et qu’il insistait sur une réduction de la dette, Berlin n’aurait aucun problème à lui montrer la porte.
Angela Merkel s’était empressée de ne pas démentir cette rumeur. Elle avait laissé ce soin à son vice-chancelier social-démocrate Sigmar Gabriel. "L’Allemagne tient à ce que la Grèce reste dans la zone euro", avait-il affirmé. La chancelière avait, ensuite, attendu 24 heures avant d’adresser ses félicitations à Alexis Tsipras pour sa victoire. Ambiance.
Il faut dire que Syriza n’a jamais été avare de critiques à l’égard de Berlin. "Il y a quelques éléments très conservateurs au sein du gouvernement allemand qui racontent des histoires à dormir debout sur notre programme", avait assuré, début janvier, Alexis Tsipras au site "Huffington Post". En 2012, il estimait déjà qu’on ne négociait pas avec ceux qui prônent l’austérité économique car "c’était comme négocier avec l’enfer". Le soir de la victoire de Syriza, des pancartes brandies lors des manifestations de joie affichaient des textes clairement anti-Merkel. Les fronts étaient alors bien définis.
Du "respect" pour Wolfgang Schäuble
Mais c’était avant l’arrivée au pouvoir de Syriza. Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, grand opposant aux plans de sauvetage internationaux, a mis de l’eau dans son ouzo. Désormais, il assure que la Grèce va rembourser ses dettes. Il voudrait simplement trouver un moyen pour alléger leur poids sur les épaules des Grecs. Pour ce faire, le fringant ministre grec espère que Berlin laissera Athènes augmenter le salaire minimum et dépenser près de deux milliards d’euros pour les plus pauvres sans broncher. Il va aussi plaider auprès de Wolfgang Schäuble l’idée d’indexer les remboursements de la dette à la croissance grecque.
C’est lui qui a, finalement, décidé de faire une halte à Berlin pour y rencontrer Wolfgang Schäuble. Un homme pour lequel Yanis Varoufakis "a du respect". Il a assuré, mardi 4 février, que son homologue allemand avait une vision "intelligente et pro-européenne".
Et côté allemand, Wolfgang Schäuble est-il prêt à enterrer la hache de guerre ? Pas encore. Le roi de l’austérité made in Germany a simplement expliqué, mardi, qu’il serait "content de rencontrer Yanis Varoufakis. En fin de semaine dernière, il mettait encore en garde Athènes contre la tentation de "chantage au non-remboursement".
Wolfgang Schäuble semble, sur un point en tout cas, ouvert aux innovations grecques : son ministère a fait savoir qu’il n’y aurait pas de "dress code" lors de la rencontre entre les deux hommes. Yanis Varoufakis s’est en effet fait remarquer car il ne pas portait de cravate lors de ses rencontres avec les autres ministres des Finances européens.