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Le coup d'envoi des Jeux Olympiques de Sotchi a été donné vendredi. L'opinion de Sylvain Attal, rédacteur en chef de France 24.com.

Les Jeux de Sotchi devraient être l’occasion pour Vladimir Poutine de conforter son prestige personnel tant sur la scène russe qu’à l’international. Mais ils ne dissimuleront pas que son pays souffre de maux endémiques qui pourraient bien, un jour ou l’autre, révéler les failles d’un système qui fait de plus en plus penser à celui de l’URSS.

Poutine fait du ski, Poutine fait du hockey, Poutine torse nu soigne le "foncier", Poutine fait du curling… Demain quoi ? Les extravagances du maître du Kremlin, qui n’aime rien autant que de se mettre à la place des athlètes, commencent à ressembler à une célèbre série de livres pour enfants. Elle aura largement contribué à la communication autour de ces Jeux olympiques, les premiers organisés par la Russie depuis ceux de Moscou en 1980, et à en faire le symbole du retour de son pays dans le rang des super puissances. Accessoirement cette offensive de charme des medias aura aussi contribué dans certains cercles militants à faire de Poutine -à son corps défendant- une véritable "icône gay", chose à laquelle il n’avait certainement pas pensé.

Au chapitre des retombées positives de ces Jeux, on doit aussi ranger la libération, après 10 ans de goulag, de l’ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski, des Pussy Riots, et aussi un certain assouplissement de la ligne de Moscou dans la crise ukrainienne. Comme tous les autocrates qui avant lui ont eu à accueillir un événement planétaire comme celui-ci, il souhaite sans doute montrer son meilleur visage aux défenseurs des droits de l’Homme et de la démocratie, tellement mise à mal en Russie.

Mais cela ne durera pas. Une fois refermée la parenthèse des JO, il n’est pas exclu, selon la politologue Hélène Blanc (auteur de "Russia Blues", éditions Ginkgo avec Renata Lesnik) que Poutine ne redonne un tour de vis dans le milieu des opposants.
Car ceux-ci pourraient vouloir exploiter contre Poutine la situation du pays qui est proche de la catastrophe.

On le sait, ces Jeux auront coûté à la Russie au moins 50 milliards de $ (37 milliards d’euros), dont un tiers au bas mot, gaspillés en pots de vins, selon un membre du CIO (anonyme) cité par "The Economist". Et cela sans qu’il soit possible d’en attendre la moindre retombée positive dans un pays où la croissance est en berne, les investissements étrangers en chute libre, faute de sécurité juridique (règne de l’arbitraire), et alors que, selon Hélène Blanc "le pays tire 90% de ses ressources des exportations d’hydrocarbures, des autres matières premières et des ventes d’armes." Pour payer tout ce qu’elle consomme et qui provient d’importations, la Russie a donc besoin du maintien des cours et que la guerre continue à bien se porter. A cette aune, on comprend mieux la position du Kremlin dans la crise en Syrie.

Poutine a longtemps été très populaire dans un pays qui a toujours apprécié les âmes fortes et résolues. Mais le mythe de son invincibilité pourrait bien ne pas durer alors que 50% des Russes vivent en dessous du seuil de pauvreté, que de nouveaux milliardaires apparaissent chaque jour et s’empressent de faire fuir à l’étranger le fruit de la corruption. "La Cour des comptes russe a elle-même évalué celle-ci à 330 milliards de $, soit un tiers du budget de la Fédération, rappelle Hélène Blanc, et ce chiffre est sans doute sous évalué".

Dans ces conditions, passé le mirage de Sotchi, Poutine n’aura pas d’autre choix que de revenir aux méthodes policières avec force intimidation (et emprisonnement) des opposants, voire même des simples "lanceurs d’alerte".

Les Jeux de Moscou (en 1980) n’avaient pas empêché la chute de l’URSS moins de 10 ans plus tard. Une leçon que Poutine pourrait méditer, entre deux séances photo.