Les manifestants ont réinvesti samedi la place devenue le haut lieu de la contestation à Manama après que le prince héritier ait ordonné le retrait de l'armée et ait demandé à la police de "rester à l'écart des rassemblements".
AFP - Des milliers de manifestants sont revenus samedi sur la place de la Perle à Manama, épicentre de la contestation contre le régime de Bahreïn, après le retrait de l'armée et de la police dans une tentative d'apaisement.
Entretemps, l'union générale des syndicats a appelé à une grève générale illimitée à partir de dimanche pour exiger la liberté de manifester pacifiquement, mais elle a appelé ses membres à assurer les services de base comme l'approvisionnement en eau et en électricité.
Le prince héritier, Salman ben Hamad Al-Khalifa, a ordonné le retrait de l'armée de la capitale et a demandé à la police de "rester à l'écart des rassemblements" sur la place de la Perle, où quatre manifestants ont été tués jeudi dans la violente dispersion d'un sit-in.
Il a dans le même temps demandé aux manifestants de se disperser en vue de "lancer une nouvelle action qui rallierait les différentes parties".
Cette attitude conciliante des autorités survient alors que la pression augmente sur ce petit royaume pro-occidental et stratégique du Golfe pour qu'il entame le dialogue avec l'opposition, en majorité chiite.
Le prince héritier a promis un dialogue avec les opposants dès le retour au calme, mais l'opposition réclame au préalable la démission du gouvernement.
Après le retrait des chars de l'armée de la capitale comme le demandait l'opposition, des milliers de manifestants se sont rassemblés place de la Perle. Ils ont enlevé les barbelés l'entourant et dressé des tentes.
"La volonté du peuple a fini par prévaloir", se félicite l'un d'eux.
Une veillée aux chandelles a ensuite été organisée à la mémoire des "martyrs" du soulèvement qui a coûté la vie à six manifestants depuis son lancement le 14 février.
Le sentiment parmi la foule est d'avoir remporté une manche dans sa revendication d'une démocratisation de cette monarchie aux ressources limitées, et dont la population à majorité chiite est gouvernée par une vieille dynastie sunnite.
"On a détruit notre tente mais on revient avec une autre", dit un autre manifestant. Des haut-parleurs ont été installés pour permettre aux orateurs de s'adresser à la foule. Quelques femmes se mêlent aux hommes mais la plupart d'entre elles occupent un coin spécifique.
"Par notre sang, par notre âme, nous te défendrons, Bahreïn", scandaient les protestataires. "Le peuple veut la chute du régime", criaient-ils également.
Avant son retrait de la place, la police avait tiré des grenades lacrymogènes sur l'un des axes y conduisant mais sans pouvoir empêcher l'arrivée des protestataires.
"Je suis heureux que nous soyons revenus", a affirmé Ibrahim, 23 ans, un des jeunes internautes à l'origine de la contestation.
L'armée, déployée en force après l'assaut jeudi contre le sit-in de la place de la Perle, avait tiré vendredi sur un millier de personnes qui voulaient reprendre y leur sit-in, faisant des dizaines de blessés.
Le chef de la diplomatie britannique William Hague, dans un entretien téléphonique avec le prince héritier bahreïni, a fait part de sa "totale désapprobation de l'usage de balles réelles contre les manifestants" mais a salué l'ordre de retrait de l'armée.
L'opposition réclame une véritable monarchie constitutionnelle dans laquelle le Premier ministre serait le chef de la majorité parlementaire et non désigné par le roi comme c'est le cas actuellement.
Le poste de Premier ministre est occupé par cheikh Khalifa ben Salman Al-Khalifa, oncle du roi, depuis l'indépendance de Bahreïn, en 1971. Les ministères de souveraineté sont tenus par des membres de la famille royale.
Bahreïn fait figure de parent pauvre à côté des autres monarchies pétrolières du Golfe, ses réserves de pétrole étant pratiquement taries. Entre 1994 et 1999, le pays a été secoué par des violences animées par des chiites, qui avaient fait une quarantaine de morts.
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