, correspondante à Washington – Selon le plus haut diplomate américain en Ukraine, qui a témoigné au Congrès mardi dans le cadre de l'enquête pour "impeachment" contre le président, Donald Trump a bien lié l’aide à l’Ukraine à une enquête de Kiev sur son rival Joe Biden.
Cette fois, c’est le plus haut diplomate américain en Ukraine qui le dit : le président américain a bien cherché à obtenir une enquête de Kiev sur son rival Joe Biden et sur la présidentielle de 2016 en échange du déblocage d’une aide militaire de 391 millions de dollars et d’une rencontre à la Maison Blanche avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
William B. Taylor Jr., chargé d’affaires à l’ambassade américaine à Kiev, a livré son témoignage accablant, mardi 22 octobre, devant les trois commissions de la Chambre des représentants qui mènent l’enquête pour "impeachment" contre Donald Trump.
Le président américain, suspecté d’abus de pouvoir dans l’affaire ukrainienne, est menacé par cette mise en accusation qui, si elle est votée, débouchera sur un procès au Sénat en vue de sa destitution. Celle-ci n’a toutefois que peu de chances de se produire étant donné la majorité républicaine à la Chambre haute.
Reste que le témoignage de William B. Taylor Jr enfonce encore un peu plus le locataire de la Maison Blanche, qui ne cesse d’assurer qu’il n’y a pas eu de "quid pro quo" avec l’Ukraine. Le diplomate a démarré son audition à huis clos devant les élus par une déclaration préalable. Un document de 15 pages que le Washington Post s’est procuré.
Donald Trump, un "homme d'affaires"
William B. Taylor Jr a notamment rapporté une conversation téléphonique avec Gordon Sondland, l’ambassadeur américain auprès de l’Union européenne. "Lors de cet appel, l’ambassadeur Sondland m’a dit que le président Trump lui avait affirmé qu’il voulait que le président Zelensky annonce publiquement que l’Ukraine allait enquêter sur Burisma et sur l’interférence supposée de l’Ukraine dans l’élection de 2016", a-t-il témoigné. Burisma est la compagnie gazière pour laquelle le fils du démocrate Joe Biden a travaillé alors que son père était vice-président des États-Unis. Donald Trump accuse Joe Biden d’avoir fait limoger un procureur ukrainien car il enquêtait sur Burisma - des allégations sans fondement jusqu’ici.
"L’ambassadeur Sondland m’a aussi dit qu’il reconnaissait avoir fait une erreur en disant aux Ukrainiens qu’une rencontre à la Maison Blanche avec le président Zelensky dépendait de l’annonce publique de ces enquêtes - en fait, l’ambassadeur Sondland a dit , ‘tout’ dépend d’une telle annonce, y compris l’assistance militaire", a ajouté William B. Taylor Jr.
L’ambassadeur "Sondland a tenté de m’expliquer que le président Trump était un homme d’affaires", se souvient encore le diplomate. "Quand un homme d’affaires est sur le point de signer un chèque à quelqu’un qui lui doit quelque chose, a-t-il dit, l’homme d’affaires demande à cette personne de payer avant qu’il ne signe le chèque."
"Des ouï-dire et des fuites sélectives"
La porte-parole de la Maison blanche, Stephanie Grisham, a tenté de défendre le président : "Il n'y a pas eu de quid pro quo. C'était encore aujourd'hui des ouï-dire et des fuites sélectives dans le cadre d'auditions aux motivations politiques, à huis clos et opaques de la part des démocrates."
William B. Taylor Jr a par ailleurs fait état d’un "canal clandestin et informel pour l'élaboration de la politique américaine" composé notamment de l'avocat personnel du président, Rudy Giuliani, de l'ex-émissaire spécial pour l'Ukraine, Kurt Volker, et de Gordon Sondland.
"C’est tout simplement le témoignage le plus accablant que j’aie entendu", a déclaré la représentante démocrate Debbie Wasserman Schultz. La semaine dernière, Gordon Sondland a lui aussi témoigné devant les commissions d’enquête du Congrès. "Il y avait beaucoup de choses dont l’ambassadeur Sondland ne se souvenait pas et dont l’ambassadeur Taylor s’est souvenu dans les moindres détails", a ajouté Debbie Wasserman Schultz.
Mardi matin, Donald Trump a estimé que l’enquête lancée contre lui équivaut à un "lynchage", un terme fort vertement critiqué par l’opposition mais aussi par le chef des républicains au Sénat Mitch McConnell. "Compte tenu de l'histoire de notre pays, je ne comparerais pas cela à un lynchage", a-t-il affirmé, déplorant un choix de mots "regrettable".