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Les Kurdes d'Irak aux urnes pour le référendum sur l'indépendance

Les Kurdes d'Irak ont commencé à voter lundi pour le référendum sur l'indépendance. À Bagdad, le Parlement irakien a exigé que l'armée envoie des troupes dans certaines zones disputées, dont la riche province pétrolière de Kirkouk.

Les autorités autonomes du Kurdistan irakien avaient prévenu que ce scrutin aurait lieu coûte que coûte. Malgré l'opposition de la communauté internationale et de Bagdad, les Kurdes d'Irak ont commencé à voter lundi 25 septembre pour leur indépendance lors d'un référendum historique qui doit ouvrir la voie à un État pour lequel ils luttent depuis près d'un siècle.

"C'est un jour férié pour que chacun puisse voter. Pour autant, il n'y a presque personne dans les rues, seulement des forces de l'ordre pour s'assurer du bon déroulement du vote", témoigne Oriane Verdier, envoyée spéciale de France 24 à Erbil, capitale de la région autonome.

Les Kurdes d'Irak aux urnes pour le référendum sur l'indépendance

Le scrutin a été initié par le président kurde Massoud Barzani, qui a voté tôt lundi matin, selon l'agence kurde Rudaw. Le vote se tient dans la région autonome du Kurdistan (dans le nord de l'Irak), qui comprend les provinces d'Erbil, Souleimaniyeh et Dohouk, mais aussi dans des zones que se disputent les Kurdes et le gouvernement central de Bagdad, notamment la riche province pétrolière de Kirkouk.

Les bureaux de vote ont ouvert à 8 h locales et ils le resteront jusqu'à 18 h (15 h GMT) pour permettre aux 5 375 000 inscrits de se prononcer. Les résultats initiaux seront annoncés 24 heures après le scrutin, mais ils ne font aucun doute, la majorité des Kurdes étant acquise à l'indépendance.

Bagdad sur les nerfs...

Peu après l'ouverture des bureaux de vote, le Parlement irakien a exigé l'envoi de l'armée dans les zones disputées dont les forces kurdes ont pris le contrôle depuis l'invasion américaine de 2003 et la chute de Saddam Hussein.

"Le Parlement exige du commandant en chef de l'armée [le Premier ministre irakien, Haïdar al-Abadi] de déployer des forces dans toutes les zones contrôlées par la région autonome du Kurdistan depuis 2003", selon la résolution votée par le Parlement. Constitutionnellement, le gouvernement est contraint de se conformer à ce vote.

Les zones disputées sont situées en dehors des trois provinces du nord de l'Irak qui font partie initialement de la région autonome du Kurdistan. Il s'agit de la riche province pétrolière de Kirkouk, et des secteurs de celle de Ninive - dans le nord du pays -, de Dyala et de Salaheddine - au nord de Bagdad.

...Téhéran et Ankara aussi

Plus tôt dans la journée, Haïdar al-Abadi avait clairement fait savoir qu'il prendrait "les mesures nécessaires" pour préserver l'unité du pays. Les autorités centrales ont déjà mis en place ces derniers jours une série de sanctions pour tenter de garder le contrôle de la situation, avec Téhéran et Ankara comme alliées. Les deux puissances voisines redoutent, elles aussi, les répercussions qu'aurait une sécession du Kurdistan irakien sur leurs propres régions kurdes et ont menacé de représailles.

Dimanche, Téhéran a annoncé qu'il interdisait jusqu'à nouvel ordre tous les vols entre l'Iran et les aéroports d'Erbil et de Souleiymanieh, au Kurdistan irakien, ainsi que tous les vols au départ de cette région transitant par l'espace aérien iranien.

"L'Iran est attaché à l'intégrité territoriale, la souveraineté nationale et l'évolution démocratique de l'Irak et toute action contraire à ces principes (...) pourrait nuire à tous, en particulier aux Kurdes", a déclaré Bahram Ghassemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Ce dernier avait également fait savoir que les frontières terrestres avec le Kurdistan avaient été fermées. Une information que Téhéran a ensuite démentie.

"Le référendum qui se tient aujourd'hui (...) est nul et non avenu. Nous ne reconnaissons pas cette initiative", a déclaré pour sa part dans un communiqué lundi le ministère turc des Affaires étrangères. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a ensuite annoncé  que des "mesures" allaient être prises "cette semaine" contre la région autonome. L'exportation du pétrole du Kurdistan irakien cessera une fois que la Turquie aura "fermé les vannes", a-t-il prévenu.

The National Security Council: All countries must deal with Iraq’s federal authorities for transactions involving border-crossings & oil.

  Government of Iraq (@IraqiGovt) September 24, 2017

Le gouvernement irakien avait appelé, dimanche 24 septembre, tous les pays du monde à ne traiter qu'avec lui pour les transactions pétrolières. Le Kurdistan produit en moyenne 600 000 barils de pétrole par jour dont 550 000 sont exportés via Ceyhan, en Turquie.

"L’objectif du gouvernement irakien est d’isoler nationalement et internationalement l’autonomie kurde et d’asphyxier le gouvernement kurde", explique Anne-Sophie Le Mauff, correspondante de France 24 à Bagdad. Un membre du gouvernement irakien a prévenu que Haïdar Al-Abadi refuserait de rencontrer, après le vote, une délégation du Kurdistan qui viendrait discuter de l’indépendance.

La poudrière Kirkouk

En pleine offensive contre l’organisation État islamique (EI) près d’Hawija, dans la province de Kirkouk, à l’est du Tigre, l’armée irakienne a déployé des milliers de troupes autour de la ville de Kirkouk. Les ressources pétrolières de la ville - le volume de brut étant estimé à 40 % de l’ensemble des réserves de brut de l’Irak – cristallisent les tensions entre Bagdad et Erbil. Selon les analystes et experts militaires locaux, un affrontement avec Bagdad n’a jamais été aussi proche.

"Un mauvais mouvement des troupes kurdes ou irakiennes pourrait provoquer une étincelle et faire exploser cette poudrière que les Kurdes veulent absolument voir rattacher à leur territoire et que Bagdad veut garder dans son giron", assure Anne-Sophie Le Mauff.

Suffisamment entraînées par les offensives contre l’EI, les troupes irakiennes sont prêtes à défendre leur territoire et les intérêts nationaux. "Selon un agent du renseignement irakien, elles n’hésiteront pas à se lancer dans un affrontement armé pour récupérer Kirkouk, avant qu’il ne soit trop tard", poursuit la correspondante de France 24.