
Le responsable de la commission d’enquête sur les liens entre Donald Trump et la Russie a fait une étrange visite nocturne à la Maison Blanche. Devin Nunes assure qu'il est impartial, mais les appels à la démission se multiplient.
La nouvelle épine dans le pied du Donald Trump s’appelle Devin Nunes. Peu connu du grand public aux États-Unis, et encore moins à l’international, il est pourtant l’un des politiciens dont les faits et gestes sont les plus observés à Washington. Et pour cause : il est à la tête de la commission de la chambre des Représentants qui enquête sur les possibles liens entre l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie. Une investigation parlementaire qui est en train de tourner au désastre politique.
Depuis quelques jours, les accusations pleuvent contre cet élu républicain, soupçonné de partager des informations sensibles avec le locataire de la Maison Blanche et de chercher à épargner le président des États-Unis. Devin Nunes a, en effet, reconnu, le 27 mars, s’être rendu discrètement “dans l’enceinte de la Maison Blanche” pour y rencontrer une “source anonyme” dans le cadre de sa mission à la tête de la commission sur le Renseignement de la Chambre des représentants.
L’espion qui venait de "House of Cards"
Cet aveu a déclenché une vague d’appels à la démission de la part de parlementaires démocrates et une avalanche d’interrogations dans les médias. Même des républicains, comme l’ex-candidat à la présidentielle John McCain, voudraient qu’il s'explique davantage sur les dessous de ce scandale.
Pour l’instant Devin Nunes tient bon, mais les questions demeurent. Qui est la source secrète de Devin Nunes ? Est-il téléguidé par l’administration Trump ? A-t-il sa place à la tête d’une commission qui se veut neutre ? Est-il plus l'inspecteur Clouseau (le policier maladroit de "La Panthère rose") ou Jason Bourne (le super-espion des livres policiers de Robert Ludlum) ?
La comparaison avec ces personnages fictifs est revenue plusieurs fois dans les médias, tant les aventures de Devin Nunes la semaine passée ressemblent à un épisode de la série politique "House of Cards", mâtinée d’éléments empruntés à un film d’espionnage. Mardi 21 mars, alors qu’il revenait en voiture de son travail, Devin Nunes a reçu un appel qui l’a visiblement secoué. Il a demandé à son chauffeur de s’arrêter, est sorti pour remonter aussitôt dans un Uber, a traversé tout Washington pour se rendre à la Maison Blanche. Là, il a rencontré une “source” qui lui a remis des renseignements.
Il n’en a pas informé ses collègues de la commission d’enquête et a tenu, le lendemain, une conférence de presse au cours de laquelle il a affirmé avoir obtenu des informations suggérant que des personnes dans l’entourage de Donald Trump ont pu être écoutées “accidentellement” par les services américains de renseignements. Une déclaration allant dans le sens des précédentes allégations du président américain soutenant que son prédécesseur l’avait mis sur écoute.
Sur ordre de la Maison Blanche ?
D’autres faits et gestes de Devin Nunes ont pris une dimension différente à la lumière de cette escapade nocturne. Sa participation à l’équipe de transition de Donald Trump - il était chargé de suggérer des nominations au sein de la future administration - apparaît dorénavant beaucoup plus suspecte qu’à l’origine. Au début de l’enquête, la proximité passée entre le chef de la commission et le président avait été présentée comme la garantie que les investigations ne seraient pas uniquement à charge.
Il y a aussi l’incident Sally Yates. L’ancienne procureur générale des États-Unis - la première à avoir évoqué les preuves de liens entre Michael Flynn, l’éphémère conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump, et Moscou - devait témoigner devant la commission d’enquête de la Chambre des représentants. Le Washington Post assure que l’administration Trump s'est démené pour l’empêcher de se présenter… jusqu’à ce que Devin Nunes annule purement et simplement l’audition sans se justifier. Dorénavant, les observateurs se demandent si le républicain n’a pas agi sur ordre de la Maison Blanche.
C’est donc peu dire que la crédibilité de Devin Nunes ainsi que celle des éventuelles conclusions de la commission d’enquête sont mises à mal. Mais cela ne veut pas dire que les parlementaires américains vont laisser tomber la question de l’éventuelle ingérence russe dans la présidentielle de 2016. La commission du Renseignement du Sénat - jusque-là beaucoup plus discrète que celle de la chambre des Représentants - a déclaré, jeudi 30 mars, qu’elle comptait bien aller jusqu’au bout de cette affaire “la plus importante pour la démocratie américaine depuis plus de deux décennies”, selon son co-président, le sénateur républicain Richard Burr. Il a assuré, dans une allusion à peine déguisé à Devin Nunes, qu’il ne cacherait jamais à ses collègues de la commission le nom d’une source.