
Le 4 mai 2025, deux vidéos prétendant montrer des discours du Premier ministre canadien Mark Carney ont été partagées sur X, cumulant plus de cinq millions de vues. Dans un premier post, publié par un compte nommé Serf – qui relaie régulièrement des contenus d’extrême droite –, l’auteur affirme, vidéo à l’appui, que "le nouveau Premier ministre Mark Carney interdit Twitter au Canada".
Une seconde vidéo, relayée par un autre compte d’extrême droite, The Disrespected Trucker, montre le chef du gouvernement canadien annoncer : "À partir du 1er juin, tous les véhicules fabriqués avant 2000 seront progressivement retirés des routes canadiennes en raison des normes de sécurité et d’émissions." Le message est accompagné d’un commentaire dénonçant "le Canada communiste".
En réalité, ces deux affirmations sont fausses.
Aucune mention de l’interdiction de X
Dans la première vidéo, accompagnée de la légende, le Premier ministre canadien ne tient en réalité aucun propos allant dans le sens de l’interdiction de X, nommé ici par l'ancien nom de la plateforme, Twitter.
Dans cet extrait de 33 secondes, Mark Carney évoque bien les plateformes américaines – par ailleurs sans citer X –, mais pour dénoncer leur rôle dans la diffusion de contenus haineux : "Ces plateformes sont devenues le refuge du racisme, de la misogynie, de l'antisémitisme, de l'islamophobie et de la haine sous toutes ses formes, et elles sont utilisées par des criminels pour faire du mal à nos enfants", déclare-t-il, avant d’annoncer un plan de lutte contre la criminalité. À aucun moment il n’est question d’interdire X.
La vidéo complète de ce discours est facilement accessible en ligne. Il suffit de rechercher "Mark Carney speech protecting Canada", la formule "Protecting Canada" étant visible sur le pupitre du Premier ministre dans l’extrait partagé. Sur YouTube, on retrouve ainsi l’intégralité de la séquence, d’une durée de 49 minutes. Le discours commence à 5 minutes et 10 secondes, d’abord en français, puis en anglais. On n’entend aucune mention d’interdiction du réseau social dans l’intégralité du discours.
Enfin, une recherche avec les mots-clés "Mark Carney banning X Canada" ("Mark Carney interdit X Canada", en français) ne renvoie à aucune source fiable confirmant une telle mesure. L’affirmation selon laquelle Mark Carney aurait interdit X est donc infondée.
Une vidéo générée par intelligence artificielle
Dans la seconde vidéo, Mark Carney semble annoncer qu’ "à partir du 1er juin, tous les véhicules fabriqués avant l’an 2000 seront progressivement retirés des routes canadiennes". Une affirmation qui, une fois encore, ne repose sur aucune déclaration réelle.
Une recherche d’image inversée (voir notre guide ici) permet de remonter à une séquence issue d’un article publié par The Independent. On y retrouve le même décor : deux drapeaux canadiens en arrière-plan, un pupitre en bois gravé d’une feuille d’érable, et la cravate grise portée par le Premier ministre. Selon le média britannique, cette vidéo provient d’une conférence de presse donnée le 27 mars.

Une simple recherche avec les mots-clés "Mark Carney press conference March 27th" permet de retrouver l’intégralité de la conférence sur YouTube. Le Premier ministre y répond aux nouveaux tarifs douaniers imposés par l’administration Trump au Canada. À aucun moment il n’évoque une interdiction des véhicules anciens.
L’extrait publié sur X semble donc être une falsification du discours original réalisée à l’aide de l’intelligence artificielle. Une analyse effectuée avec l’outil de détection de deepfakes Hiya indique qu’il s’agit très probablement d’un contenu synthétique : le score de détection atteint 96 %. Idem pour l’outil Deepfake Total, qui indique un score de 92 % de probabilité qu’il s’agisse d’une manipulation.


Bien qu’il soit en poste depuis moins de deux mois, Mark Carney a déjà été la cible de plusieurs campagnes de désinformation. En avril, un réseau coordonné de comptes sur X avait mené une offensive contre le chef du Parti libéral, tout en relayant massivement du contenu favorable à Pierre Poilievre, son principal opposant, leader du Parti conservateur.
Une large part des publications visait Carney en l’associant à des liens présumés avec Jeffrey Epstein, le financier américain accusé de trafic sexuel de mineures.