
Filmée depuis un immeuble, une vidéo de près de 3 minutes montre un groupe d’hommes vêtus de noir, certains cagoulés, dans la rue, aux abords d’un magasin de bricolage, armés de projectiles. À 0’48, deux d’entre eux donnent des coups de pied à un jeune homme au sol, qui se réfugie ensuite à l’intérieur du commerce, où les assaillants poursuivent leur attaque. À 1’05, l’un d’eux semble également faire un salut nazi. À 2’05, un homme portant un short noir donne un coup de pied à un autre homme, puis un coup de poing. Ce dernier s’effondre alors au sol.
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Accepter Gérer mes choixLa scène s’est déroulée dans la commune de Molenbeek-Saint-Jean, à l’ouest de Bruxelles, en Belgique. L’une des deux personnes agressées dans la vidéo a témoigné auprès du média belge RTBF : il s’agit du fils du propriétaire du magasin, l’homme que l’on voit s’effondrer au sol après avoir été frappé. Il raconte avoir tenté de protéger son père, âgé de 73 ans, lorsqu’il a été violemment pris à partie. Blessé au visage, il souffre de plusieurs côtes cassées, tandis que son père présente une ouverture au crâne. Tous deux ont été hospitalisés.
Selon le média belge Het Nieuwsblad, certains membres du groupe auraient proféré des propos ouvertement racistes lors de l’attaque. Des témoins rapportent avoir entendu crier : “Où sont les musulmans ici ? On vient vous tuer. Rentrez dans votre pays.”
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Accepter Gérer mes choixLe même jour, d’autres agressions et destructions ont été commises par ces mêmes personnes, notamment dans le métro et dans un café.
Des membres du groupe de supporters “North Fanatics 13” mis en cause
Qui sont les personnes à l’origine de ces attaques ? Dans la vidéo tournée devant le magasin de bricolage, un logo est visible sur de nombreux habits portés par les assaillants.

Ce logo est également visible sur une photo transmise à la rédaction des Observateurs, prise au moment où les hommes courent avant d’attaquer le magasin.

On peut également voir ce logo dans une autre vidéo transmise à notre rédaction, montrant l’arrivée de ces hommes à la gare Bruxelles-Centrale, à 13h, le jour même.

Or, on retrouve ce logo sur les sweats portés par des hommes qui semblent appartenir aux “North Fanatics 13” - un groupe de supporters du club de Bruges - dans une vidéo diffusée le 6 mai.
Cette vidéo - postée par le compte Instagram @_ghcompany_, qui relaie de nombreuses images de groupes ultras dans les stades - documente le déplacement à Bruxelles de ces supporters pour assister à la finale de la Coupe de Belgique, qui opposait le club de Bruges à celui d’Anderlecht, le 4 mai. Dans la vidéo, le compte north_fanatics_13 est directement identifié, et sa légende est “CUP FINAL – Welcome back, NF [North Fanatics]!”.
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Accepter Gérer mes choixCe logo reprend les couleurs bleu et noir du club de Bruges, avec l’inscription “Bruges Cuplighters”.


Le compte Instagram des North Fanatics 13 a même directement répondu en commentaire sous ce post.

Ce groupe de supporters avait annoncé sa dissolution en août 2024, sous la pression du club de Bruges. Selon un message publié à l’époque sur son compte Facebook, cette décision était liée à des comportements problématiques, notamment des saluts nazis effectués par des supporters lors de matchs, incidents qui avaient conduit à l'exclusion de 34 membres par le club. Les “North Fanatics 13” avaient ainsi cessé leurs activités officielles liées aux matchs.
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Accepter Gérer mes choixCependant, ils ont continué à publier des posts sur leurs comptes Facebook et Instagram à la suite de cette annonce.
“Ce groupe a déjà été plusieurs fois accusé pour des problèmes liés au maintien de l’ordre et à des idées d’extrême droite”
Connus en tribune et dans la rue, des membres des “North Fanatics 13” ont également été reconnus le 4 mai par des militants antifascistes locaux, comme le raconte Lucas (pseudonyme), supporter et militant habitué des déplacements et des tribunes :
On a identifié clairement une personne dans l’une des vidéos de l’attaque comme appartenant aux “North Fanatics”.
Ce groupe a déjà été plusieurs fois accusé pour des problèmes liés au maintien de l’ordre et à des idées d’extrême droite, voire néonazies, surtout depuis les saluts de Kühnen [NDLR : dérivé du salut nazi, fréquemment utilisé par les nationalistes] effectués par certains de ses membres en août dernier dans le stade du Standard.
Il y a aussi ces fameux pulls, que des hommes portent derrière la bâche des “North Fanatics” au stade : ceux qui sont derrière la bâche font forcément partie du groupe. Dans un groupe ultra, ce sont généralement des membres reconnus voir importants qui se placent à cet endroit.

Le logo qu’on voit sur plusieurs images ne laisse aucun doute : il a dû être spécialement conçu pour la finale de la Coupe. Ce simple constat permet d’affirmer qu’au sein du groupe qui a mené cette expédition punitive à Molenbeek, il y avait des membres des NF13.
Molenbeek a probablement aussi été visée à cause de l’image que ce quartier renvoie encore aujourd’hui. Pour beaucoup de gens, en France comme à l’étranger, c’est resté le quartier des terroristes.
Face aux accusations, à la suite des violences du 4 mai, les “North Fanatics 13” ont publié un post sur Facebook, niant toute implication : “Il est très regrettable que nous ayons été faussement accusés par les médias de faits survenus ce jour-là.” Ils expliquent aussi “qu’en concertation avec le club, nous avons décidé de réaliser un tifo [NDLR : animation visuelle déployée par les supporters dans les tribunes] pour donner un coup de boost supplémentaire à nos joueurs”.
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Accepter Gérer mes choix“Le fait que ces gens-là soient libres de tout mouvement dans Bruxelles pose un vrai problème”
Sébastien Louis est historien, spécialiste du supporterisme radical et auteur du livre "Ultras les autres protagonistes du football". Après l’attaque de Molenbeek, il pointe une série de défaillance dans le dispositif de sécurité, alors que les hommes du “North Fanatics 13” avaient été suivis dès leur arrivée à la gare Bruxelles-Central par des “spotters” - des policiers en civil avec un brassard rouge chargés de surveiller les supporters et ultras lors des déplacements.

Il y a eu plusieurs erreurs. Comment se fait-il qu’autant de gens proches de la mouvance hooligan, ou dans la mouvance hooligan, aient pu se déplacer et aller à Bruxelles en transport en commun ou en train ? On a aussi le fait que deux rames de métro aient été saccagées par ces gens-là, qui ont pu ensuite continuer leur route et traverser les quartiers populaires à pied. Le fait que ces gens-là soient libres de tout mouvement dans Bruxelles pose un vrai problème. Comment se fait-il que les spotters ne les suivent pas ?
De nombreux habitants ont également témoigné de leur surprise et colère face au manque de réactivité des forces de l’ordre.
Interviewé par le quotidien belge La Libre, Michel Goovaerts, le chef de la police de Bruxelles-Ixelles, évoque l’impossibilité “d’avoir une pleine capacité policière” sur les zones de passage du groupe. Il évoque aussi “un noyau dur” de supporters au sein du FC Bruges dont le club devrait se désolidariser.
La rédaction des Observateurs a contacté un journaliste de Bruxelles Dévie, un média indépendant local, qui documente notamment les dispositifs de maintien de l’ordre depuis 2020. Il se montre très critique sur la gestion policière du 4 mai :
Le dispositif policier était complètement insuffisant, alors qu’on sait que ces supporters sont violents. Ça va au-delà d’une simple erreur d’appréciation. C’est un choix politique. Ils ont décidé de ne pas les encadrer, alors que certains sont connus pour leur idéologie néonazie. Résultat : ils ont pu se balader librement dans des quartiers populaires de Bruxelles qui, on le sait, sont déjà ciblés par des discours islamophobes.
Par contre, à la sortie du stade, il y a eu un dispositif policier massif. Il y avait eu des appels des jeunes des quartiers sur les réseaux sociaux, pour se regrouper et se défendre. Et là, comme par hasard, la police s’est déployée en force. On voit donc qu’ils avaient les moyens de se déplacer, mais ils ont choisi de ne pas le faire avant. Le 1er mai, ils ont également encadré des milliers de personnes du début à la fin. Donc dire que 200 hooligans, c’est ‘ingérable’, ce n’est pas crédible.