Quadruple médaillé aux Jeux paralympiques, Michaël Jeremiasz sera le porte-drapeau de la France lors de la cérémonie d'ouverture à Rio, le 7 septembre. Champion de tennis, il se bat sur et en dehors des courts pour faire reconnaître le handisport.
À 35 ans, Michaël Jeremiasz va vivre ses quatrièmes Jeux paralympiques. Devenu paraplégique à l’âge de 18 ans après un accident de ski, ce tennisman s’est reconstruit à travers le sport. Vainqueur de dix titres du Grand Chelem en double et quadruple médaillé paralympique, il espère décrocher une dernière récompense à Rio, avant de mettre fin à sa carrière. Cerise sur le gâteau, il a été désigné porte-drapeau de la délégation française. C'est lui qui sera en tête de l'équipe tricolore lors de la cérémonie d'ouverture le 7 septembre au mythique stade Maracana.
France 24 : Comment vous sentez-vous à quelques jours du début des Jeux paralympiques de Rio ?
Michaël Jeremiasz : Impatient. Parce que j’ai envie de vivre cette expérience plus que jamais. Et stressé. Parce que j’ai un milliard de choses à faire. Il y a beaucoup de sollicitations, beaucoup plus que ce que j’aurais pensé. Je n’ai jamais vu cela de ma vie. Ce qui est plutôt de bon augure pour l’avenir et le mouvement paralympique. Je pense que le combat qu’on mène depuis plusieurs années pour une plus grande médiatisation et pour une reconnaissance plus juste de ce qu’on fait porte ses fruits. Depuis ma désignation le 19 juillet, cela ne s’arrête pas. J’ai même été interviewé par une télévision russe. Mais cela prend du temps, car il y a aussi les entraînements et la vie de famille. Ce sont des journées bien denses.
Que vous a dit Teddy Riner [porte-drapeau de la délégation française au JO-2016] lorsqu’il vous a remis le drapeau de la délégation française à son retour de Rio ?
Michaël Jeremiasz : Il ne m’a pas dit grand-chose sur le perron de l’Élysée, vu que c’était préparé. On en avait déjà parlé à plusieurs reprises, notamment à l’Insep quand on a appris qu’on était porte-drapeau. Je l’ai aussi accompagné à Rio les trois premiers jours des Jeux olympiques. Après avoir participé à la cérémonie d’ouverture, il m’a dit "kiffe, parce que, tu vas voir, c’est énorme !". On a également surtout parlé de ce que cela représentait pour lui et pour moi. On a exactement le même ressenti. On est fiers. C’est une vraie reconnaissance de notre parcours sportif. Pour Teddy Riner, c’est aussi pour son charisme et sa proximité avec les athlètes. De mon côté, c’est plus le fait que je sois un athlète engagé pour pas mal de causes d’intérêt général.
Comment voyez-vous cette fonction de porte-drapeau ?
Michaël Jeremiasz : C’est un rôle de porte-parole. Cela je m’en rends compte avec les médias depuis un mois. On est vraiment en première ligne. On nous demande aussi notre avis quand il y a des polémiques sur ce qu’il se passe à Rio, sur la billetterie ou sur le comité paralympique qui a exclu la délégation russe. Mais ce ce n’est pas une pression qui me dérange, je suis ravi d’avoir ce rôle. Cela correspond bien à ce que je suis et à ce que je fais dans ma vie. Je n'ai qu’une envie : c’est d’être au plus proche de cette délégation. J’ai contacté tous les athlètes par mail pour me présenter et aussi pour me mettre au même niveau. Porte-drapeau, cela ne fait pas de moi un athlète au-dessus des autres. Le 8 septembre au matin, quand on sera tous réveillés après la cérémonie d’ouverture, on sera tous des athlètes qui doivent aller chercher des médailles.
On a effectivement entendu parler de nombreuses polémiques au sujet des Jeux paralympiques, notamment des problèmes de financement. Est-ce que cela ne rajoute pas de l’inquiétude autour de la compétition ?
Michaël Jeremiasz : La seule inquiétude qu’il y aurait pu avoir, c’est s’il avait été question d’annuler les Jeux paralympiques, mais cela n’a été qu’une rumeur. Les enjeux sont trop importants. Il est impossible que les Jeux paralympiques soient annulés. C’est possible en revanche qu’ils ne se passent pas aussi bien qu’espérés. Cela a été le cas lors des JO. Il y a eu des problèmes au village, un bon nombre de billets invendus et des stades peu remplis. Mais le plus gros des couacs, c’est qu’il y a une crise économique et sociale forte au Brésil. Forcément, cela vient un peu gâcher la fête. Mais les premiers concernés ce sont les habitants de Rio, bien avant les athlètes. Il ne faut pas oublier la réalité du quotidien. Il y a des choses bien plus importantes qu’un événement sportif.
Vous avez déjà annoncé votre retraite sportive en novembre prochain. Depuis le début de votre carrière, quelle a été l’évolution la plus significative dans le domaine du handisport ?
Michaël Jeremiasz : Il n’y a pas eu un seul changement à proprement parler. Les Jeux de Pékin [en 2008] ont été un tournant. Ils ont été les Jeux les plus importants pour ce qui est de la grandeur. Il y avait un énorme budget et des stades remplis. Mais la vraie bascule s’est produite lors des Jeux de Londres [2012]. Les Anglais ont montré qu’on pouvait passionner les foules autant pour les JO que pour les paralympiques.
Très engagé sur les courts et en dehors, qu’avez-vous prévu de faire après la fin de votre carrière ?
Michaël Jeremiasz : J’ai en effet plusieurs activités. Il y a ma structure Handiamo ! qui accompagne des sportifs de haut niveau en situation de handicap dans la gestion de leur carrière. On travaille sur la professionnalisation du handisport et aussi sur un changement de regard au sein des entreprises. J’ai aussi cofondé l’association Comme les autres, spécialisée dans l’accompagnement de personnes handicapées. J’ai également mon activité principale, Alegro consult, pour laquelle je fais du conseil en entreprise sur la question du handicap.
Vous êtes en quelque sorte un porte-drapeau à vie ?
Michaël Jeremiasz : Oui, je suis un porte-drapeau engagé. Je suis le porte-parole d’un mouvement, et de cette minorité à laquelle j’appartiens. Mais cela va au-delà de ma petite personne.