Après avoir mené une campagne loin des caméras, John Kasich est arrivé en deuxième position, lors des primaires américaines dans le New Hampshire. Jugé modéré, ce gouverneur de l’Ohio défend notamment l’assurance maladie pour les plus pauvres.
Le 6 février dernier, lors d’une réunion à Manchester, dans le New Hampshire, le candidat John Kasich avait plaisanté au sujet de son engagement républicain. Alors qu’il profitait de son bain de foule, le gouverneur de l’Ohio a eu - l’agréable - surprise de se retrouver face à un électeur démocrate. "Vous êtes le seul républicain pour qui je pourrais voter", a déclaré l’intéressé entre deux poignées de main. Flatté, John Kasich a joué la carte de l’humour : "J’aurais dû me présenter aux primaires démocrates", lui a-t-il répondu en souriant.
Au-delà de la facétieuse repartie du candidat républicain, l’anecdote illustre bien l’attrait des électeurs indépendants – et même démocrates, donc - pour ce candidat, certes peu connu, mais beaucoup moins clivant que ses rivaux du Grand Old Party (GOP). C’est d’ailleurs ce qui a joué en sa faveur, lors des primaires du New Hampshire, le 9 février. Dans cet État où les électeurs sans étiquette peuvent voter républicain ou démocrate, le gouverneur de l’Ohio savait qu’il avait ses chances : après avoir battu campagne loin des caméras, il a réussi à se hisser en deuxième position avec 16 % des voix derrière Donald Trump (34 %).
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"Avant d’être républicains ou démocrates, nous sommes avant tout des Américains déterminés à faire briller l'Amérique", a-t-il rappelé après les résultats. Ce sens du consensus et cette modération qui détonnent avec les déclarations souvent tonitruantes de ses adversaires sont en effet les principaux atouts de John Kasich dans la féroce bataille pour l’investiture républicaine. Face au milliardaire Donald Trump, toujours prompt à comparer les immigrés mexicains à des violeurs, face à Ted Cruz, l’ultra-conservateur dont la ligne politique ne s’articule qu’autour de la croix, ou encore face à Marco Rubio, l’apôtre de la libre-entreprise et farouche détracteur de l’Obamacare, John Kasich, autant apprécié par les républicains que par les démocrates dans son État de l’Ohio, séduit la frange la moins radicale de son parti.
"Le seul choix plausible"
Lors du top-départ de la course à l’investiture, il avait d’ailleurs gagné le précieux appui du Boston Globe et du New York Times, qui, à chaque scrutin présidentiel, adoube un candidat de chaque camp. Aux yeux du comité éditorial du prestigieux quotidien, "[Kasich] est le seul choix plausible pour des républicains fatigués de l'extrémisme et de l'inexpérience qui s'affichent dans cette élection". En somme, il n’est pas un jusqu’au-boutiste, comme tous ses rivaux.
Né en 1952, près de Pittsburgh, en Pennsylvanie, John Kasich est tombé très tôt dans la politique. En 1978, à 26 ans, il devient sénateur de l’Ohio. Cinq ans plus tard, en 1983, il représente l’Ohio à la Chambre des représentants à Washington. Il occupera ce poste jusqu’en 2001, année durant laquelle il se met en retrait de la vie politique et part travailler comme banquier d'affaires et commentateur pour la chaîne Fox News. Il finit par revenir en politique en 2011 et devient gouverneur de l’Ohio, un poste auquel il est réélu en 2014.
Fort de ce bagage d’homme d’expérience, il n’hésite pas à vanter son bilan économique devant ses adversaires. Il a "réduit les impôts, équilibré le budget, créé des emplois" dans l’Ohio. Mais pour le fragiliser, ses concurrents du GOP connaissent aussi son point faible : son engagement en faveur d’une assurance santé universelle. À mille lieux de l’orthodoxie républicaine, John Kasich a en effet eu "l’affront" de soutenir une réforme des soins de santé dans son état. C’est l’un des rares gouverneurs républicains à avoir accepté l’extension de Medicaid (l’assurance maladie pour les pauvres) prévue dans la réforme de la santé Obamacare. Une hérésie, pour le Tea Party. "Les gens en ont besoin", s’est-il simplement défendu.
Son autre point faible réside aussi dans son style, jugé austère. Affable et à l'aise sur le terrain, John Kasich a fait preuve de peu de charisme durant les débats des primaires. Il était d’ailleurs arrivé en 8e position dans l'Iowa, avec 1,9 % des votes républicains. Mais contrairement à ses concurrents, il a choisi de ne pas salir ses rivaux : il a mené une campagne positive – à l’instar du démocrate Bernie Sanders - sans insulter ses challengers. "La politique est devenue méchante et désespérée, mais cela n'a pas à être comme cela", avait-il déclaré dans un dernier message aux électeurs du New Hampshire avant le vote.
"Je ne suis pas l’ennemi de ceux qui ne pensent pas comme moi"
Pour séduire les foules, John Kasich joue donc sur son empathie, sa proximité avec les petites gens. Il aime à se présenter comme un "mari, père, ami, croyant" et un défenseur des cols bleus. Il n’hésite pas à raconter l’histoire tragique de la mort de ses parents, tués dans un accident de la route en 1987. Depuis cet épisode traumatisant, il explique vouloir aider "les gens avec des problèmes".
En vrai politicien, il ménage en permanence la chèvre et le chou. Ce qui lui vaut de ratisser certes large mais confère également à son discours un manque de cohérence - voire de conviction. Ainsi, s’il s’est déclaré pour la première guerre du Golfe, pour l'invasion de l'Afghanistan en 2001, pour le port d'armes, il a aussi voté en 1994 (avec les démocrates) pour l'interdiction des armes d'assaut, s'attirant les foudres de la NRA. S’il s’est toujours prononcé contre l’avortement (à part dans des cas de viols et d’inceste), il assure que chaque cas doit être traité indépendamment des autres. "Je n’ai jamais été l’ennemi de ceux qui ne pensent pas comme moi", a-t-il déclaré à la mère d’une adolescente de 13 ans, inquiète de sa position sur les grossesses non-désirées.
Reste à savoir si John Kasich réussira à réitérer son "exploit" lors des prochaines primaires. Rien n’est moins sûr : le candidat républicain, en manque de fonds, avait tout misé dans le New Hampshire où il avait participé à plus de 100 rencontres électorales avant le vote !
Et pourtant, rien ne dit qu’il faut enterrer Kasich trop vite. Depuis plusieurs décennies, une sorte de prophétie électorale existe dans cet état du nord-est du pays… "Tous les présidents depuis 1952 [sont arrivés premier ou deuxième aux primaires] dans le New Hampshire", a confié le secrétaire d'État Bill Gardner, qui supervise le processus électoral depuis une quarantaine d’années. "Treize sont arrivés en tête. Et par trois fois, ceux arrivés en deuxième position [Bill Clinton en 1992, George W. Bush, en 2000 et Barack Obama en 2008] sont devenus président."