"Il s'est passé quelque chose de fou sur Internet et j'ai été désignée comme l'un des pilotes de l'accident de DC" : voici les mots de la militaire américaine Jo Ellis, dans un post publié sur son compte Facebook le 31 janvier. "C'est insultant pour les victimes et les familles de ceux qui ont perdu la vie", a-t-elle dénoncé.
Jo Ellis s'est vue obligée de réagir après que de nombreux internautes sur X et Facebook ont affirmé que cette pilote était à l'origine de l'accident entre un hélicoptère militaire américain et un avion de ligne à Washington, provoquant la mort des 67 passagers et des trois pilotes d'hélicoptère et quatre membres du personnel de l'avion.
Une intox transphobe poussée par des pro-Trump
Comment une telle intox a-t-elle pu se propager ? Alors que le profil de deux des trois pilotes dans l'hélicoptère, Ryan O'Hara et Carrie Eaves, a déjà été rendu public, notamment par les familles via leurs réseaux sociaux, une incertitude planait - encore au 31 janvier au matin - sur l'origine de la troisième personne, désignée comme étant une femme dans la presse.
Le 30 janvier au soir, des internautes proches de l'extrême-droite américaine, ont commencé à affirmer que "le pilote du Black Hawk a été identifié comme étant l'adjudant-chef 2 Jo Ellis, une femme transgenre". C'est notamment le cas d'internautes aux propos transphobes et homophobes, comme le compte Fraxis, sur X, qui se présente comme l'auteur d'un livre "Fake & Gay, un démontage provocateur du mythe de l'homosexualité", et dont le post a été vu plus de trois millions de fois sur la plateforme.
"Jo Ellis a tenu des propos anti-Trump radicalisés sur les réseaux sociaux", soutient ce dernier, dont le post, qui partageait des photos de la militaire transgenre, a depuis été supprimé. D'autres comptes ont également laissé entendre que des "spéculations" iraient "bon train sur les intentions délibérées" de la pilote d'hélicoptère.
"Ce qui s'est passé pourrait être un autre attentat terroriste contre les transgenres…", a également déclaré le compte X de l'internaute pro-Trump à ses deux millions d'abonnés, dans un post vu près de cinq millions de fois.
Ces accusations s'inscrivent directement dans un contexte de dénonciation de la présence des personnes transgenres dans l'armée américaine par Donald Trump, qui a signé un décret pour interdire "l'idéologie du genre" dans l'armée le 27 janvier.
"J'espère que vous savez tous que je suis en vie et en bonne santé"
Mais Jo Ellis n'est pas la pilote qui a conduit l'hélicoptère. En plus de son post publié sur sa page Facebook, elle a également publié deux heures plus tard une vidéo face caméra, accompagnée de la mention "Preuve de vie et déclaration".
"Je m'appelle Jo Ellis, je suis pilote de BlackHawk au sein de la garde nationale de l'armée de Virginie, explique-t-elle dans cette vidéo. "J'ai cru comprendre que certaines personnes m'ont associée à l'accident survenu à Washington, ce qui est faux".
"C'est une insulte aux familles que d'essayer de lier cela à une sorte d'agenda politique", poursuit-elle."Elles ne méritent pas cela. Je ne le mérite pas non plus. J'espère que vous savez tous que je suis en vie et en bonne santé. Et cela devrait suffire pour que vous mettiez fin à toutes les rumeurs."
Contacté par la rédaction des Observateurs, la garde nationale de Virginie a également confirmé par e-mail qu'"aucun membre de la Garde nationale de Virginie ne se trouvait à bord du Black Hawk qui est entré en collision avec l'avion de ligne mercredi soir".
Le 30 janvier au soir, alors que son nom commençait déjà à circuler, Jo Ellis avait changé sa photo de profil pour rendre hommage aux victimes de cet accident.
"Je veux servir au moins 15 ans de plus. J'aime mon État et j'aime mon pays"
Le profil de Jo Ellis a été utilisé par ces comptes de l'extrême-droite américaine deux jours après la publication d'un podcast et d'un article écrit par elle le 28 janvier, dans un média américain, Smerconish, sur son parcours de militaire transgenre au sein de l'armée américaine.
Dans cet article, Jo Ellis revenait notamment sur l'accompagnement de l'armée américaine dans sa transition, expliquant notamment avoir dû financer par elle-même le processus, contrairement à ce que laissaient entendre d'autres fausses informations.
La militaire faisait également part de son patriotisme et de son attachement à l'armée américaine : "J'ai servi dans la même unité pendant 15 ans. Je veux servir au moins 15 ans de plus. J'aime mon État et j'aime mon pays". Autant d'éléments qui remettent en cause les accusations portées contre elle.
Au lendemain de l'accident, Donald Trump a également affirmé que la collision aurait "dû être évitée" et mis en cause les programmes de diversité au sein du régulateur américain de l'aviation, la FAA, estimant que les programmes mettant en avant les minorités dans les politiques d'embauche avaient pu être à l'origine d'un tel événement. "Ils ont même donné une directive : Trop blanc. Or, nous voulons des gens compétents", a-t-il déclaré.
Interrogé ensuite pour savoir s'il mettait directement en cause les contrôleurs aériens et les politiques de diversité pour expliquer la catastrophe, Donald Trump a reconnu "ne pas savoir" encore mais ajouté que "ça a pu être" le cas.