La Réserve fédérale américaine doit décider, mercredi, si elle hausse ses taux directeurs pour la première fois depuis 2006. Pour la plupart des observateurs, l'économie américaine est mûre pour ce changement de cap monétaire.
Janet Yellen doit annoncer, mercredi 16 décembre, l'une des mesures les plus importantes et attendue de la Fed depuis 2006. La directrice de la Banque centrale américaine devrait décider de la première hausse de son principal taux directeur en près de dix ans.
L'augmentation concerne le taux de refinancement qui définit les intérêts que doivent payer les banques qui empruntent de l'argent à la Réserve fédérale. Pour faire simple : plus ce taux est bas, plus les établissements financiers sont tentés d'emprunter de l'argent, ce qui facilite le crédit aux consommateurs et fait aussi grimper l'inflation. Plus les intérêts sont élevés, moins les banques empruntent, ce qui favorise l'épargne.
L'annonce de la Fed est attendue depuis plusieurs mois. L’économie américaine a repris des couleurs, le chômage est passé sous la barre des 6 % et l’utilité de maintenir des taux proches de zéro, synonymes de crédits peu chers et donc de dynamisme économique, n’était plus évident. Il serait donc temps d'inciter les américains à mettre de l'argent de côté en prévision d'éventuelles prochaines crises économiques.
Risque de bulles spéculatives
Les prix, en outre, ont recommencer à grimper et le gouverneur de la banque centrale de San Francisco a appelé, dès juin, à agir avant que l’inflation n'atteigne 2 % (la Fed veut maintenir l’inflation sous cette barre). Resserrer les vis du crédit permet, en effet, d’éviter que trop d’argent ne circule, ce qui limite la hausse des prix.
Les économistes craignent aussi que si les prêts restent à des taux trop attractifs, des bulles spéculatives pourraient se former. Plus les crédits sont bons marchés, plus les investisseurs empruntent facilement pour placer l’argent dans l’immobilier ou les marchés financiers, dans l’espoir de toucher le jackpot. Le prix Nobel d’économie 2013, Robert Schiller, assure, dans le "Financial Times", que les valuations sur les marchés des actions à Wall Street n’ont plus grand-chose à voir avec la valeur réelle des entreprises : la spéculation est à l’œuvre et l’argent facile dû aux très faibles taux nourrit cette bulle.
Autant d’arguments que Janet Yellen, la directrice de la Fed, connaît. Elle avait annoncé, en fin d’année 2014, que la Réserve fédérale se préparait à relever ses taux en 2015. La réunion de la banque centrale vendredi 16 décembre est la dernière occasion pour Janet Yellen de tenir parole.
"Panique et tourmente"
Plusieurs organisations internationales lui ont cependent demandé de ne rien faire cette année. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont ainsi assuré qu’il était urgent pour la Fed d’attendre encore. Car la Chine est passée par là entre temps. La panique boursière à Shanghai, nourrie par les doutes sur l’état général de l’économie chinoise a prouvé, en entraînant les autres Bourses dans son sillage, que l’économie mondiale restait fragile.
Kaushik Basu, économiste en chef à la Banque mondiale, craint qu’une hausse des taux en septembre plonge les pays émergents "dans la panique et la tourmente", créant un climat propice à une nouvelle crise économique mondiale.
La bonne santé des pays en voie de développement dépend de la Fed pour deux raisons. La plupart d’entre eux se sont fortement endettés auprès des États-Unis lorsque les taux étaient proches de zéro, rappelle le quotidien britannique "The Daily Telegraph". Ils devront rembourser davantage si les taux d’intérêt venaient à monter.
De plus, les investisseurs seront tentés de rapatrier leurs fonds aux États-Unis, où les taux d’intérêt seront plus élevés, ce qui fait que les placements y seront plus rémunérateurs. Ils risquent donc de réinvestir chez l’Oncle Sam une part de l’argent placé auparavant dans les pays émergents. Cette fuite des capitaux, cumulée à des dettes de plus en plus lourdes à rembourser, peut mettre certains pays très exposés, comme la Turquie, le Brésil ou la Russie, dans des situations périlleuses.
La décision de rehausser les taux est donc justifiée d'un point de vue purement américain. Mais ces conséquences peuvent se révéler très négatives pour la plupart des pays émergents.
Cette page est une mise à jour d'un article publié le 14 septembre 2015 et baptisé "Semaine décisive pour l’économie mondiale dans l'attente des décisions de la Fed".