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Barack Obama s'est excusé auprès de Médecins sans frontières pour le bombardement de son hôpital par des forces américaines en Afghanistan. L'ONG exige l'ouverture d'une enquête internationale distincte de celle promise par les États-Unis.

Le président américain, Barack Obama, s'est "excusé", mercredi 7 octobre, au téléphone auprès de Médecins sans frontières (MSF) après le bombardement américain d'un hôpital de l'ONG à Kunduz, en Afghanistan, qui a fait 22 morts samedi.

Quelques heures plus tôt, MSF avait réclamé une enquête internationale indépendante sur ce bombardement, malgré l'admission d'une frappe "par erreur" ne respectant pas les règles d'engagement par le commandant de l'Otan en Afghanistan, le général américain John Campbell.

Trois enquêtes, une américaine, une afghane et une de l'Otan, ont déjà été diligentées sur cette affaire, mais MSF, qui a dénoncé un "crime de guerre", a soutenu mercredi "ne pas faire confiance à une enquête militaire interne".

La présidente de l’organisation, Joanne Liu, a réclamé une "commission internationale humanitaire pour établir les faits" qui ont causé la mort de 12 employés de l'ONG et 10 patients, et la destruction du bâtiment principal de l'hôpital de Kunduz, vital pour les civils pris dans le feu des combats entre l'armée afghane et les talibans. "Cela n'a pas été uniquement une attaque contre notre hôpital. Cela a été une attaque contre les Conventions de Genève. Nous ne saurions le tolérer", a affirmé Joanne Liu, qui a reçu le soutien du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Une commission jamais utilisée

Signées en 1949, les Conventions de Genève encadrent le comportement à adopter par les belligérants d'un conflit afin de protéger les blessés et les malades "en toutes circonstances". MSF demande que l'enquête soit menée par la Commission d'enquête internationale humanitaire, créée officiellement en 1991 dans ce cadre. Soixante-seize États ont reconnu sa compétence, mais elle n'a jamais depuis reçu aucun mandat. Pour que la Commission puisse se saisir d'un dossier, au moins un des 76 États l'ayant reconnue doit demander l'ouverture d'une enquête.

À New York, le directeur exécutif de MSF pour les États-Unis, Jason Cone, en a directement appelé mercredi au président Obama pour qu'il "consente" à cette commission. "Le faire enverra un signal fort de l'engagement des États-Unis et de son respect de la loi humanitaire internationale et des règles de guerre", a-t-il dit.

Interrogé sur cette demande d'enquête internationale, le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, s'est borné à répéter que le président américain avait confiance dans le Pentagone pour mener une enquête "transparente et objective".

MSF réfute le terme d'"erreur"

L'ONG réfute le terme d'"erreur" par lequel le général John Campbell, commandant des 13 000 soldats étrangers encore déployés en Afghanistan, a qualifié la frappe. Selon Mego Terzian, président de MSF France, ce bombardement "n'était malheureusement pas une erreur", d'autant moins possible, d'après l'ONG, qu'elle assure avoir préventivement transmis les coordonnées GPS de son hôpital aux armées américaine et afghane.

Devant la commission des forces armées du Sénat américain, le général Campbell a expliqué mardi que la frappe américaine avait été demandée par les Afghans, mais décidée par la chaîne de commandement américaine. Selon le "New York Times", citant mercredi son entourage, le général Campbell estime désormais que les forces spéciales américaines "n'ont pas respecté" la marche à suivre avant de procéder au bombardement samedi de l'hôpital.

Un bombardement est légitime pour "éliminer des terroristes, protéger des soldats américains en difficulté et soutenir les troupes afghanes", explique le quotidien. Or, la frappe de Kunduz "n'entrait très probablement dans aucune de ces catégories", a estimé le général Campbell, dont les propos en privé ont été rapportés par son entourage. Les soldats américains qui ont procédé à la frappe "ne voyaient pas la cible" que leurs homologues afghans leur demandaient de viser, selon la même source.

Muscler le dispositif militaire américain après 2016 ?

Pour se justifier, l'armée afghane a argué que des rebelles talibans se trouvaient à l'intérieur de l'établissement et leur tiraient dessus dans le cadre d'âpres combats la semaine dernière pour le contrôle de cette ville stratégique du nord afghan, près de la frontière du Tadjikistan. Interrogé par l'AFP, un responsable taliban a expliqué que des insurgés se sont bel et bien rendus à l'hôpital, mais qu'ils l'ont quitté "douze heures avant le bombardement".

Le fait que les Taliban aient réussi à s'emparer de la ville, même brièvement, a démontré que les forces afghanes n'étaient pas encore prêtes à tenir leur terrain face aux insurgés. Reconnaissant la situation, le général Campbell a indiqué qu'il proposait de muscler le dispositif militaire américain après 2016.

Pour l'instant, les États-Unis ne prévoient de maintenir en Afghanistan qu'une force résiduelle d'un millier de soldats, contre 9 800 actuellement. Cette force serait concentrée à l'ambassade à Kaboul. Selon le "Washington Post", le général Campbell a présenté cinq options, d'une présence résiduelle à une force de 7 000 hommes après 2016.

Avec AFP