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Assiégée depuis huit jours par l'armée turque, Cizre de nouveau accessible

L'accès à la ville turque de Cizre (sud-est) a été rétabli samedi après la levée du couvre-feu total imposé pendant une semaine par Ankara à ses habitants. Des combats meurtriers opposent depuis fin juillet l'armée turque aux rebelles kurdes du PKK.

Depuis huit jours, ils vivaient coupés du monde. Les 120 000 habitants de la ville de Cizre, dans le sud-est de la Turquie, peuvent à nouveau sortir de la ville. Depuis le 4 septembre, Ankara leur imposait un couvre feu total - un "blocus" selon les Kurdes - en raison des combats meurtriers qui opposent les forces turques et les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) depuis la fin du mois de juillet.

La ville, surnommée la "petite Kobané" de Turquie par les Kurdes, en référence à la ville syrienne qui avait été assiégée par les jihadistes de l’organisation de l'État islamique (EI), l’hiver dernier, commence doucement à revivre. Dès l'aube, policiers et militaires ont levé les barrages.

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En rentrant dans la ville, samedi, les premiers visiteurs et journalistes ont découvert une ville transformée en un véritable champ de bataille. Dans certaines rues, les véhicules ont été criblés de balles, et des slogans hostiles au PKK ont été griffonnés sur les murs.

L'électricité, les communications téléphoniques et les liaisons internet sont toujours coupées et l'accès à l'eau reste très difficile. La plupart des commerces sont encore fermés.

"Ici, on n’est pas en Israël ou en Palestine"

Certains habitants ont malgré tout accepté de parler de leurs difficiles conditions de vie pendant le siège qu'ils ont subi. "On s'est cachés dans cette maison pendant neuf jours [...] quand on est descendus au sous-sol, on y a trouvé 23 autres personnes", a témoigné à l'AFP Mehmet Güler. "Il n'y avait pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau", a ajouté le fonctionnaire, "nos enfants étaient morts de peur, ils étaient traumatisés".

Ces derniers jours, le principal parti prokurde de Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP) a, à plusieurs reprises, agité la menace d'une catastrophe humanitaire. L'ONG Amnesty International s'est elle aussi déclarée "extrêmement préoccupée" par la situation des habitants de la ville.

"Dix personnes étaient réfugiées dans notre maison. Ils [les militaires] tiraient sur les têtes qui sortaient de la façade (...) ils ont tiré sur nous, qui sommes des citoyens, nous qui payons des impôts comme tout le monde", s'est indigné un étudiant, Hasim Kalkan, accusant les forces de l’ordre de l’avoir pris délibérement pour cible. "Ils ont fait de nous des terroristes".

"Mon neveu Bunyamin a été abattu par des tireurs embusqués", a accusé un de ses voisins, Izzet Özkürt. "Il est resté dans son sang jusqu'au petit matin et il est mort en se vidant de son sang", a-t-il ajouté, "ici on n'est pas en Israël ou en Palestine".

Affrontements meurtriers

Depuis la fin juillet, les affrontements meurtriers ont repris entre les forces de sécurité et le PKK, mettant un terme aux discussions engagées en 2012 entre Ankara et les rebelles pour mettre fin à un conflit qui a fait 40 000 morts depuis 1984.

À moins de deux mois des élections législatives anticipées du 1er novembre, cette escalade a provoqué de vives tensions dans de nombreuses villes du pays.

Les locaux du HDP, dont son quartier général d'Ankara, y ont été la cible de manifestants favorables au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, qui accuse le mouvement de soutenir les "terroristes" du PKK.

Vendredi soir, le ministre de l'Intérieur a révoqué la maire de Cizre, Leyla Imret, après l'ouverture d'une enquête judiciaire l'accusant de "propagande terroriste" et "d'incitation à la violence", selon les médias turcs.

Avec AFP
 

Tags: Turquie, PKK,