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Varoufakis, nouvelle coqueluche de la gauche européenne ?

L'avenir des gauches radicales européennes est en partie lié à la position qu'adoptera Yanis Varoufakis par rapport aux probables élections législatives anticipées en Grèce. L'ancien ministre grec est l'invité de la Fête de la rose ce week-end.

Yanis Varoufakis est-il en passe de devenir le nouveau héraut des gauches de la gauche européenne ? C’est en tout cas le signe que semble envoyer Arnaud Montebourg en invitant l’ancien ministre grec des Finances, dimanche 23 août, à Frangy-en-Bresse, pour la Fête de la rose. Les deux hommes ont en commun d’avoir claqué la porte de leur gouvernement respectif parce qu’ils étaient en désaccord avec la politique menée dans leur pays. Mais il n’est pas certain que Yanis Varoufakis endosse si facilement ce rôle que lui prête déjà l’ancien ministre français de l’Économie.

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Au lendemain de l’annonce de la démission d’Alexis Tsipras qui devrait mener la Grèce vers des élections législatives anticipées le 20 septembre, la position de Yanis Varoufakis est en effet très attendue. "Je crois que nous avons trahi la grande majorité du peuple grec", a-t-il déclaré mercredi, avant l’annonce du Premier ministre grec, dans une interview accordée à "L’Obs".

"Lors de notre arrivée au pouvoir, nous nous étions dit deux choses Alexis Tsipras et moi : premièrement, que notre gouvernement essaierait de créer la surprise en faisant réellement ce que nous avions promis de faire. Deuxièmement, que si jamais nous n’y arrivions pas, nous démissionnerions plutôt que de trahir nos promesses électorales. […] Je pensais que c’était notre ligne commune. Finalement, à travers les décisions gouvernementales, c’est le 'Oui' qui l’a emporté et pas le 'Non'", ajoute-t-il, en faisant référence au référendum sur les mesures d’austérité et à l’accord trouvé entre la Grèce et ses créanciers.

Ces déclarations marquent une ligne de fracture avec Alexis Tsipras, mais ne signifient pas pour autant que l’ancien ministre se rangera parmi les plus radicaux de Syriza. Déjà, 25 députés parmi la faction la plus à gauche du parti ont décidé qu’ils feraient sécession pour fonder un parti indépendant, "Unité populaire", en vue des prochaines élections. Ce nouveau parti sera dirigé par l’ancien ministre de l’Énergie Panagiotis Lafazanis. En revanche, aucune annonce n’a été faite concernant Yanis Varoufakis.

Au contraire, ce dernier était un ardent défenseur de l’unité au sein de Syriza. "Si le parti ne parvient pas à rester uni malgré les différences d’opinion qui le traversent concernant l’accord [avec les créanciers grecs], il n’a aucun avenir, affirme-t-il à 'L’Obs'. S’il réussit, il jouera un rôle hégémonique en Grèce pendant de très nombreuses années."

"Syriza, un échec flagrant qui a une portée sur l’ensemble de la gauche en Europe"

"L’unité n’existe plus aujourd’hui donc il va être très intéressant de voir la position que Varoufakis adoptera", souligne Marc Lazar, directeur du Centre d'histoire de Sciences-Po et spécialiste des gauches radicales, contacté par France 24. "On assiste à une recomposition importante. Va-t-il passer un accord avec les frondeurs ? Va-t-il lancer un autre parti aux positions moins radicales ? Ou bien va-t-il rester au côté de Tsipras ? Pour le moment tout reste ouvert. Sa décision sera très importante, pour la Grèce et pour les gauches radicales européennes."

Car pour celles-ci, de Podemos en Espagne jusqu’au Front de gauche en France en passant par les frondeurs socialistes emmenés par Arnaud Montebourg, Yanis Varoufakis a aujourd’hui remplacé Alexis Tsipras, jugé coupable de compromissions, comme symbole grec du refus des mesures d’austérité.

"L’échec de Syriza par rapport à son programme originel est un échec flagrant qui a une portée sur l’ensemble de la gauche radicale en Europe, estime Marc Lazar. Il y a aujourd’hui un embarras terrible de la gauche de la gauche en Europe. L’expérience grecque a montré la toute puissance de l’Allemagne, la faiblesse de la position française et enfin qu’il était impossible de changer la donne au sein de la zone euro. Cet espoir a été anéanti."

Yanis Varoufakis le reconnaît volontiers : "Les Grecs ont montré l’exemple aux autres peuples européens, mais le leadership politique grec, moi y compris, n’a pas su capter cette résistance populaire et la transformer en une force pour mettre fin à l’autoritarisme et l’absurdité du système."

Alors une autre gauche en Europe est-elle encore possible ? Arnaud Montebourg veut le croire et compte bien sur son invité pour le conforter dans sa ligne politique. Même chose pour le Front de gauche et Podemos qui attendent également de connaître la position de Yanis Varoufakis, sur qui repose désormais, qu’il le veuille ou non, les attentes des gauches radicales européennes.