Le président turc est sous le feu des critiques après une vague d'arrestations dans les médias d'opposition. Depuis son arrivée au pouvoir, Recep Tayyip Erdogan se montre de plus en plus intraitable face à ses ennemis politiques.
La police turque a arrêté une vingtaine de personnes, dimanche 14 décembre, dans plusieurs villes du pays, lors de perquisitions dans les locaux de médias. Elles sont considérées par les autorités comme proches du dignitaire musulman en exil Fethullah Gülen, grand rival du président Recep Tayyip Erdogan.
Cette nouvelle démonstration de force de la part du pouvoir est vivement critiquée à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Recep Tayyip Erdogan est de plus en plus accusé de dérive autoritaire et d’être un ennemi de la démocratie.
Lors de son arrivée au pouvoir en tant que Premier ministre en 2003, l’ancien président du Parti de la justice et du développement (AKP), un mouvement islamo-conservateur, s’était pourtant déclaré être un "démocrate conservateur" ou "démocrate musulman" et s’affirmait respectueux de la démocratie et de la laïcité. Son élection avait ainsi suscité l’espoir de voir émerger un "modèle démocratique turc" rompant avec la violence d’État des années 1980 et 1990. Mais les dernières décisions prises par l’exécutif turc montrent pourtant un serrage de vis graduel contre les opposants au régime. Retour sur les grandes étapes de la politique menée par Erdogan.
La laïcité contestée
Après quelques mois au pouvoir en 2004, Erdogan déclenche une première vague d’indignation en tentant de pénaliser l’adultère. Adversaire de la "laïcité autoritaire", ce musulman pratiquant lève quatre ans plus tard l’interdiction du voile dans les universités, suscitant l’ire de l’opposition laïque.
Une presse dans le viseur
Au début des années 2010, la liberté de la presse se dégrade sensiblement en Turquie. En 2012, le pays détient le triste record du nombre de journalistes emprisonnés dans un rapport du Comité de protection des journalistes (CPJ), avec 76 reporters sous les verrous. Avec ce bilan, "le nombre d'emprisonnements (de journalistes) en Turquie dépasse aujourd'hui celui des autres pays les plus répressifs, dont l'Iran, l'Érythrée et la Chine", décrit le CPJ. Ce dernier estime que "le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a mis en œuvre une des plus vastes opérations de répression de la liberté de la presse de l'histoire récente".
Répression contre les manifestations
En mai 2013, une vague de protestations secoue la Turquie. Elle fait suite à une violente intervention de la police dans le parc Gezi pour évacuer des militants opposés à sa destruction annoncée. Les manifestants s’en prennent directement au Premier ministre Erdogan et à son gouvernement. Durant le mois de juin, quelque 3,5 millions de Turcs défilent contre lui dans tout le pays. Violemment réprimées, ces manifestations font au moins huit morts et plus de 8 000 blessés. Des milliers d'arrestations ont également lieu.
Purges dans la police et la justice
Après la révélation d’un scandale de corruption visant l’entourage de Recep Tayyip Erdogan, le pouvoir en place procède à des purges au sein de la police et de la justice à partir de janvier 2014. Depuis cette date, des milliers de policiers et des centaines de juges ont été mutés.
Contrôle d’Internet
Au printemps 2014, le gouvernement bloque momentanément Twitter et Youtube après la diffusion sur Internet d'enregistrements audios mettant en cause Erdogan dans des affaires de corruption.
La chasse aux partisans de Gülen
Devenu président en août 2014, Erdogan continue de se dire victime d’un complot suite au scandale de corruption. Selon lui, les enquêtes qui ont visé ses collaborateurs ont été orchestrées par Fethullah Gülen, un dignitaire religieux exilé aux États-Unis, autrefois l’un de ses alliés et aujourd’hui son pire ennemi. Le président turc promet pourchasser "jusque dans leurs tanières" les partisans de Gülen qu'il présente comme des "terroristes" et des "traîtres". Une riposte qu’il met en application en ordonnant l’arrestation d’une vingtaine de journalistes le 14 décembre.