"Dopage confidentiel : comment la Russie fabrique ses vainqueurs", un documentaire diffusé mercredi sur la télévision publique allemande, accuse la Russie de forger ses champions d’athlétisme à coups de dopage et de corruption.
C’est un petit séisme dans le monde de l’athlétisme. Diffusé mercredi sur la chaîne publique allemande ARD, le documentaire "Dopage confidentiel : comment la Russie fabrique ses vainqueurs" dresse, témoignages de sportifs à l'appui, un portrait sévère de l'athlétisme russe, présenté comme gangrené par un dopage et une corruption massifs.
Le document s'appuie sur de nombreux témoignages, parmi lesquels ceux de l'athlète russe Iuliia Stepanova, une spécialiste du 800 m actuellement suspendue pour dopage, et de son époux, Vitali Stepanov, qui a travaillé entre 2008 et 2011 pour l'agence publique antidopage russe (Rusada).
Le couple a dû quitter la Russie à la suite des révélations qu’ils ont livrées dans ce documentaire.
"Quand un sportif se fait ‘pincer’, on le ‘jette’ et on en prend un autre"
"On ne peut pas atteindre ses objectifs sans se doper. Tu dois te doper, c'est comme ça que ça marche en Russie", dénonce Vitali Stepanov. "Quand un sportif se fait ‘pincer’, on le ‘jette’ et on en prend un autre", poursuit son épouse.
Selon Vitali Stepanov, l'agence antidopage russe contrôle les échantillons de sang testés. Les athlètes renommés sont protégés, mais pas les inconnus qui, le cas échéant, peuvent être sacrifiés. Des accusations qui ont été rejetées par le patron de la Rusada, Nikita Kamaïev.
"La plupart des athlètes se dopent, la plus grande partie d'entre eux, 99 %", soutient encore la lanceuse de disque, Jevgenia Pescherina.
Une rançon pour participer aux JO
De son côté, la marathonienne Lilia Schobuchova, elle aussi actuellement suspendue pour dopage, explique comment elle a dû payer 450 000 euros pour pouvoir participer aux JO de Londres.
La somme aurait été exigée par un entraîneur russe, Alexeï Melnikov, pour trafiquer des échantillons de sang de la sportive prélevés entre 2009 et 2011 et jugés suspects par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), qui n'a alors pas sanctionné la jeune femme.
Selon le documentaire, le trésorier de l'IAAF, le Russe Valentin Balachnitschev, aurait eu connaissance de ces faits. Interrogé, le directeur exécutif de l'Agence mondiale anti-dopage (AMA), David Howman s’est déclaré "terriblement choqué" par ces allégations. "Ce que nous devons faire maintenant, c'est nous attaquer courageusement à ça, mais également nous assurer que ceux qui ont" eu le courage de parler "soient protégés", a-t-il souhaité.
La Russie ouvre une enquête
La Rusada a annoncé vendredi dans la journée qu'elle ouvrait son enquête. "Pour vérifier la véracité des faits annoncés dans le documentaire allemand diffusé par la chaîne de télévision ARD, la Rusada ouvre sa propre enquête sur les gens présentés dans le film et l'information qu'ils ont apportée", a indiqué l'agence russe dans un communiqué.
"À l'issue de cette enquête la Rusada publiera ses résultats sur son site officiel", ajoute le texte.
La Rusada avait indiqué jeudi à l'AFP attendre une demande officielle de l'Agence mondiale antidopage (AMA) avant d'enquêter. Elle n'a pas précisé vendredi si cette demande lui avait été adressée. Jusqu'alors, l'AMA s'était engagée "à examiner soigneusement les déclarations visant les autorités russes (...) et à entreprendre des mesures appropriées prévues par la loi si celles-ci sont confirmées".
Le ministre des Sports russe s'insurge
Plus tôt dans la journée, le ministre des Sports russe Vitaly Mutko avait pour sa part réagi de façon véhémente à ces accusations qui visent, selon lui, à rabaisser le sport russe.
"Alors qu'ils se fondent sur des cas individuels, ils veulent dénoncer une sorte de système dans lequel l'État aurait un rôle, dans le but d'affaiblir le sport russe. Bien sûr que je n'apprécie pas ces accusations, d'autant plus que nous avons beaucoup progressé dans l'autre direction", a déclaré Vitaly Mutko à l'agence R-Sport, se félicitant par ailleurs du fait que la Russie ait renforcé ses dispositions dans le cadre de la lutte contre le dopage.
Avec AFP