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Bruno Le Maire, l'autre vainqueur de l'élection à l’UMP

Si, sans surprise, Nicolas Sarkozy a été élu, samedi, président de l’UMP, son ex-ministre et challenger Bruno Le Maire a, lui, gagné le droit de peser sur l’avenir du parti. Portrait.

À 45 ans, l’ex-ministre Bruno Le Maire est désormais incontournable à l’UMP. Certes, le député de l’Eure, candidat à la présidence de l'UMP, a perdu la bataille contre Nicolas Sarkozy, élu, comme prévu, dès le premier tour. Mais avec 29,18 % des voix récoltés, pour Bruno Le Maire, surnommé "Bac + 18" par l’ancien président de la République, cette défaite a des airs de victoire personnelle. Ses partisans réunis hier soir dans un hôtel parisien, où régnait une ambiance festive de victoire, l’ont en tous cas vécu comme tel.

Cet Européen convaincu, "profondément gaulliste" et grand admirateur de Winston Churchill, savait qu’il avait tout à gagner lors de ce scrutin, même en cas de victoire écrasante de Nicolas Sarkozy. L’exposition offerte par cette joute interne l’aura fait connaître, lui et ses idées, auprès d’un grand nombre de militants. En effet, de son propre aveu, son principal point faible était sa notoriété. Même si pour participer à cette élection, il avait enregistré le soutien de plus de 12 000 adhérents (sur les 270 000 que compte le parti) et de 53 parlementaires.

En parvenant à enregistrer un tel score, ce diplomate de formation, candidat du "renouveau" de la droite, peut désormais envisager de jouer un grand rôle au sein du parti. Bien plus que les autres quadras de l'UMP comme Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurent Wauquiez ou François Baroin, qu’il semble avoir distancés après cette campagne réussie, qualifiée d'audacieuse par les observateurs.

Si certains dans son entourage le voient même postuler à la primaire UMP pour 2017, lui s’est contenté de préciser, après la publication des résultats, qu'il restait "un militant parmi les militants". La volonté de renouveau devra être entendue et respectée", a-t-il toutefois prévenu, laissant entendre qu’il cherchera à peser sur l’avenir de son camp.

Un parcours sans faute

Fils d'un cadre de Total et d'une enseignante du primaire, il est habitué, depuis sa jeunesse, à être au-dessus du lot. Comme le prouve son brillant parcours : troisième à Normale sup, premier à l’agrégation de lettres modernes, énarque, diplomate au Quai d’Orsay, conseiller, puis directeur de cabinet de ministres et d'un chef de gouvernement, élu local, député, secrétaire d’État aux Affaires européennes (2008) et ministre de l’Agriculture (2009 à 2012). Le nom de celui qui fut longtemps le plus proche collaborateur de Dominique de Villepin avait même été cité parmi les candidats potentiels à la succession de François Fillon à Matignon, au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Ses détracteurs le qualifient de "technocrate froid", de "bourgeois cynique", et ne retiennent que sa "trahison", lorsqu’il avait accepté de se mettre au service de Nicolas Sarkozy, alors en guerre ouverte contre son mentor en politique, Dominique de Villepin. Les défenseurs de ce germanophone, amateur de gastronomie française – qu’il a fait inscrire au patrimoine de l’Unesco lorsqu’il était ministre de l’Agriculture – préfèrent de leur côté mettre en avant sa rigueur, sa pondération, son honnêteté et les résultats probants obtenus à chaque poste qu’il a occupé au cours de sa carrière.

En 2008, Benoist Apparu, ancien ministre du Logement de Nicolas Sarkozy, le décrivait comme "un techno atypique". Et d’ajouter à l’époque : "Il a le profil brillant du haut fonctionnaire doublé d'un bon vivant qui n'est pas le dernier à raconter des conneries".

L’amour de la littérature

Son ami l’écrivain Jean-Christophe Rufin, qui a lui aussi goûté à la diplomatie en tant qu’ancien ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie, avait bien dit de lui qu’il était "l’homme politique le plus prometteur de sa génération". Le compliment a dû aller droit au cœur de cet écrivain amoureux des lettres, surtout de celles de Proust (à qui il a consacré une maîtrise, un DEA et une thèse) et du dramaturge autrichien Thomas Bernhard, qui manie lui-même la plume avec aisance et talent.

Auteur de plusieurs ouvrages, Bruno Le Maire peut en effet se targuer d’être l’un des rares hommes politiques à être édités sous l'élégante couverture de la collection blanche de Gallimard, dédiée à la littérature et à la critique. Son ouvrage "Des hommes d'État", une chronique de ses années passées dans l’ombre à Matignon, avait reçu le prix Edgar Faure en 2008.

"Écrire est une question de liberté, a-t-il confié en 2012 à l'hebdomadaire "L'Hémicycle". Je ne la négocie pas. Je veux me ménager la liberté intellectuelle la plus forte possible. Je la trouve dans les livres et dans les mots."

La politique et la littérature sont indissociables de la vie de Bruno Le Maire, également pianiste à ses heures perdues. "J’ai toujours beaucoup écrit et toujours beaucoup lu, c’est ma vie", confie Bruno Le Maire. "Tous ceux qui ont réussi à mêler politique et culture m’inspirent".