
À Jérusalem, le tramway qui relie l’ouest et l’est de de la ville devait permettre un rapprochement entre juifs et Arabes. Mais depuis plusieurs semaines, alors que la tension s'accroît en Israël, cette ligne est ciblée par des attaques.
Depuis plusieurs semaines, Jérusalem est sous tension. La ligne de tram, qui devait symboliquement rapprocher juifs et Arabes, en fait les frais. Mercredi 5 novembre, en fin de journée, une nouvelle attaque à la voiture bélier contre des usagers du tramway a secoué Jérusalem. Un Palestinien de 38 ans, Ibrahim al-Akari, habitant du camp de réfugié de Chouafat, à Jérusalem-Est, a percuté avec son van un groupe de policiers, avant de faucher des piétons. Il a tué un membre des forces de l'ordre et blessé une dizaine d’autres personnes. Un piéton est décédé vendredi des suites de ses blessures. L’assaillant, qui avait ensuite tenté d’attaquer des passants avec une barre de fer, a été abattu par la police.
Deux semaines plus tôt, une attaque similaire avait été perpétrée non loin de là, tuant un bébé israélo-américain et une Équatorienne. L’auteur de l'agression avait également été abattu. Depuis, la police israélienne a renforcé sa présence autour et à bord du tram. Des blocs de béton ont été déposés autour de certains arrêts pour protéger les usagers. Malgré ces mesures, certains des passagers - toutes confessions et origines confondues - disent ne pas se sentir en sécurité.
La psychose s'installe peu à peu sur la ligne. "On est en pleine troisième intifada. Elle est partout, ils [les Palestiniens] enlèvent des enfants, caillassent partout", assure, au micro de France 24 un passager israélien. Des Palestiniens racontent également avoir été les victimes de provocations alors qu’ils se trouvaient dans le tram. "Ça m'est arrivé plusieurs fois de monter à bord et que des passagers juifs s'amusent à me pousser. Certains d'entre eux sont des racistes", explique Djihad Abou Kaddus.
Selon le responsable de la mosquée de Chouafat, le tramway est devenu source de tension entre les deux communautés. "Les officiers de sécurité du tram ciblent les Arabes. Ils les attrapent, les tabassent, prennent leurs papiers d'identité et tout cela devant tout le monde", confie à France 24 le cheikh Mahmud Abou Khdeir.
Un tramway qui devait rapprocher les communautés
Pourtant, aux yeux de ses promoteurs israéliens, le tram de Jérusalem avait tout d'une très bonne idée. La ligne de 13 kilomètres, qui ignore les frontières instaurées dans la ville et reconnues par la communauté internationale, visait à unifier Jérusalem. Mise en service en 2011, la navette, construite et exploitée par les entreprises françaises Véolia et Alstom, transporte en effet Arabes et juifs, laïcs et religieux.
Mais l’enlèvement et le meurtre d’un adolescent palestinien, Mohammed Abou Khdeir, début juillet, par trois Israéliens a mis le feu aux poudres. Depuis, pas un jour ne passe sans que l’un des quartiers de Chouafat, Silwan, Abou Tor, Beit Hanina ou Ras Al-Amoud, à Jérusalem-Est, ne soit le théâtre d’affrontements entre Palestiniens et forces de l’ordre israéliennes. Des bus et des voitures y sont caillassés régulièrement et une station service y a récemment été mise à feu. Jeudi soir encore, des heurts violents ont mis aux prises environ 200 jeunes avec les policiers dans le camp de réfugiés de Chouafat.
Le tramway fait donc aussi les frais de cette colère : au cours de ces derniers mois, de jeunes émeutiers ont saccagé plusieurs arrêts et tenté d’en arracher les rails. Près de 150 wagons ont été endommagés par des jets de pierre. Des dégâts matériels importants, estimés à environ quatre millions d’euros.
Le tram, un outil de la colonisation
Des tensions que certains n’hésitent pas à qualifier "d’intifada municipale". La colère est attisée par l’offensive à Gaza, les opérations de colonisation dans certains quartiers palestiniens ou encore les revendications d’extrémistes juifs sur l’esplanade des Mosquées.
Si le tram n’est pour certains qu’un moyen de transport, il est, pour d’autres, un outil supplémentaire permettant à l’État hébreu d’affermir un peu plus l'occupation de Jérusalem-Est que les Palestiniens veulent pour capitale de leur État. Il cristallise la hantise d’une ville placée sous le contrôle exclusif des Israéliens.
Jetant de l'huile sur le feu, Israël a annoncé la semaine dernière l’accélération de la construction des plans de construction de 1 000 nouveaux logements à Jérusalem-Est. "Jérusalem, c'est notre capitale. Ce n'est donc pas une colonie", a déclaré Benjamin Netanyahou, Premier ministre israélien jeudi. "Chacun sait" que les secteurs juifs de Jérusalem-Est "resteront partie intégrante de Jérusalem dans tout accord de paix. Je rejette donc l'allégation imaginaire qui veut que la cause du conflit en cours soit telle ou telle colonie".