L’ONG Amnesty International dénonce, mardi, l’explosion du commerce d’équipements de torture et de maintien de l’ordre chinois. Plus de 130 entreprises se sont spécialisées dans cette filière qui rapporte des centaines de millions de dollars par an.
China Xinxing se porte bien. Cette entreprise chinoise spécialisée dans les équipements militaires a une spécialité qui lui rapporte beaucoup : les équipements de maintien de l’ordre et de contrainte. Elle en vend dans 40 pays africains pour environ 100 millions de dollars (77 millions d’euros) par an. C’est en tout cas ce qu’affirme l’ONG Amnesty International dans un rapport sur le "commerce chinois des instruments de torture et de repression", publié mardi 23 septembre.
Cette entreprise est l’une des 130 qui fleurissent grâce à l’exportation de ce qu’Amnesty International appelle des instruments de torture. "Il y a eu une véritable explosion de ce commerce en Chine puisqu’il n’y avait que 28 entreprises sur ce secteur il y a dix ans", souligne Aymeric Elluin, chargé de campagne Armes et Impunité chez Amnesty International France.
100 millions de dollars par an
Il s’agit, d’après le rapport, aussi bien de grandes entreprises publiques que de PME. "On ne connaît pas le montant exact du chiffre d’affaires de ce secteur en Chine, mais si un acteur comme China Xinxing peut faire 100 millions de dollars, les montants en jeu doivent être astronomiques", suggère Aymeric Elluin.
Il faut dire que ces entreprises vendent de tout à tout le monde, d’après le rapport. L’une de leurs spécialités est la matraque à pointes qui, comme son nom l’indique, peut faire beaucoup plus de dégâts que la traditionnelle matraque en caoutchouc. "C’est, à notre connaissance, le seul pays qui exporte cet instrument qui sert exclusivement à pratiquer des actes de tortures", remarque Aymeric Elluin.
Le catalogue de ces sociétés comporte aussi des poucettes - des petits instruments qui permettent de compresser le pouce -, des boucliers et matraques à impulsion électrique ou encore des menottes pour chevilles à chaîne lestée.
Surtout en Afrique
Certains de ces produits, comme les matraques ou boucliers, sont des outils plus "traditionnels" de maintien de l’ordre. Sauf que la Chine exporte en toute légalité vers des pays qui les "utilisent à des fins de répression", assure Aymeric Elluin. Le rapport cite l’utilisation d’équipement "antiémeute" en Ouganda et au Congo pour illustrer son propos. La police ougandaise s’est servie de matériel "made in China" pour réprimer des manifestations contre la hausse du coût de la vie et les forces de l’ordre au Congo s’en sont servies pour sévir contre l’opposition après les élections de 2011.
Dans les deux cas, "des éléments faisant état de fréquentes violations des droits humains" par les forces de l’ordre n’ont pas empêché ces entreprises de livrer leurs produits, d’après le rapport. "La Chine invoque le principe de non-ingérence dans les affaires internes des autres pays, ce qui lui permet d’être une sorte de ‘mercenaire’ du commerce des instruments de torture", souligne Aymeric Elluin. Les entreprises chinoises de cette branche sont particulièrement actives en Afrique et au Moyen-Orient. Mais elles fournissent aussi leurs voisins. C’est ainsi qu’Amnesty International a pu constater que les matraques à pointes chinoises se sont retrouvées au Cambodge et en Thaïlande.
Pour l’ONG, cet activisme sans contrainte légale particulière, contrairement au cadre européen et aux États-Unis, a permis à la Chine d’être l’un des principaux fournisseurs de ce matériel controversé. Des accusations que Pékin nie vigoureusement. "J'ai le plaisir de vous rappeler que cette organisation internationale fait toujours preuve de partialité envers la Chine, et je doute profondément de l'honnêteté de ce rapport", a réagi le ministère chinois des Affaires étrangères.