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L'organisation de l'État islamique déclare la guerre de l'eau en Irak

L'organisation de l'État islamique a entamé la guerre de l'eau en Irak. Le ravitaillement est incertain, des villages entiers se retrouvent privés de ce bien précieux. Certains villageois sont contraints de quitter leurs maisons. Reportage de nos envoyés spéciaux en Irak.

L'organisation de l’État islamique (EI), qui s'est emparée de nombreux territoires en Irak le long du Tigre et de l’Euphrate, mène une guerre avec une arme bien particulière : l'eau.

La bataille autour du barrage de Mossoul en est le symbole. Après en avoir pris le contrôle, le 7 août, les jihadistes de l’EI menaçaient de faire exploser ce site et de provoquer une catastrophe humanitaire et environnementale. Leur projet aura été déjoué de peu, grâce à la reprise du barrage, le 17 août par les peshmerga, les combattants kurdes, appuyés par les raids de l’armée de l’air américaine.

Cette structure monumentale, construite sur un sol sablonneux, est considérée par les ingénieurs américains comme le barrage le plus dangereux du monde mais également comme l’un des sites les plus stratégiques de l’Irak. Et si l’EI a tenté de prendre durablement le contrôle de ce barrage, c’est parce que les villes qu’il contrôle se situent autour des cours d’eau de la région.

Le barrage, une arme redoutable

Si la catastrophe a été évitée, l’EI continue de se servir de l’eau comme d’une arme redoutable. En effet, Makhmour, l’une des premières villes reprises par les peshmerga, souffre des coupures d’eau directement provoquée par les jihadistes.
"L’État islamique a coupé l’eau ici parce que Makhmour est en majorité habité par les Kurdes, explique à FRANCE 24 Zana Sami, chargé de la distribution de l'eau dans la ville. C’est à cause de la pénurie que beaucoup de personnes ne sont pas revenues dans leurs maisons. C’est difficile pour nous de fournir de l’eau à tout le monde et la distribution n’est pas toujours faite de façon équitable".

Effrayées par les agissements de l’EI, certaines personnes craignent même que les jihadistes contaminent délibérément l’eau. "On ne veut plus de cette eau, parce que nous ne faisons pas confiance à l’État islamique, confie Rana, une habitante de Makhmour, à FRANCE 24. On ne sait pas ce qu’ils mettent dedans, des cadavres d’êtres humains ou d’animaux, peut-être même qu’ils empoisonnent l’eau. Ces personnes n’ont aucune pitié, ils nous couperaient la tête s’ils le pouvaient, ils n’ont rien à voir avec l'islam."

La population tente de s’adapter

Ce sentiment de méfiance contraint les habitants à acheter de l’eau potable. Un coût élevé pour certaines familles modestes, qui doivent parfois attendre plusieurs jours avant d’être ravitaillées. "On achète l’eau, le plein d’une citerne nous coûte entre 11 et 15 euros. Beaucoup de personnes se plaignent de la pénurie, j’espère que ce problème sera bientôt résolu", souligne Rizgar, un habitant de Makhmour.

Cette guerre de l’eau tombe au plus mal, dans un pays qui pâtit déjà de la sécheresse. "C’est une énorme crise due au manque d’eau que nous vivons, déplore Ghazi Ahmed, directeur du département des eaux de la ville de Makhmour. Et c’est d’autant plus grave que cela arrive en plein été, au moment où la consommation est en hausse."

Aux alentours de la ville, il existe plusieurs puits qui servent à alimenter la population en eau en temps de sécheresse, mais depuis que l’EI a coupé le robinet, la quantité d’eau qu’ils fournissent est insuffisante. Pour subvenir aux besoins de la population, les autorités ont ordonné la construction de nouveaux puits.

Émission préparée par Patrick Lovett et Elise Duffau.