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Le site Booking.com dans le viseur d'Arnaud Montebourg

Le ministre français de l’Économie a assigné en justice la plateforme de réservation en ligne Booking en raison de clauses abusives. Un nouvel épisode dans le conflit entre le secteur hôtelier et des sites internet devenus incontournables.

Arnaud Montebourg joue la carte judiciaire dans le conflit qui oppose, depuis des années, les hôteliers français aux plateformes de réservation en ligne. Le ministre de l’Économie a annoncé, mardi 27 mai, avoir déposé une plainte contre le site Booking.com, suite à une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les pratiques commerciales de Booking et d’autres sites similaires.

La France reproche à la centrale internet néerlandaise "d’imposer des clauses restrictives de concurrence voire anticoncurrentielles aux hôteliers", explique un avocat spécialiste du droit de la concurrence à FRANCE 24. En cause, notamment "des clauses figurant dans les contrats de Booking interdisant de proposer directement aux consommateurs des tarifs plus attractifs que ceux proposés sur le site", indique le communiqué du ministère. En clair, la plateforme de réservation s’assure que ses prix soient toujours les plus bas.

"Annihiler tout concurrence par les prix"

Cette pratique "nuit à la fois à la compétitivité du secteur hôtelier et aux consommateurs", affirme Arnaud Montebourg, même s'il reconnaît que les sites comme Booking "permettent une meilleure visibilité à l’international de l’offre hôtelière".

Une autre clause irrite les professionnels français du secteur et le ministre de l’Économie : celle de disponibilité. Ainsi, impossible pour un hôtel de conserver des chambres libres pour les proposer sur son propre site internet.

Autant de difficultés qui illustrent "un déséquilibre significatif" dans les rapports commerciaux entre les mastodontes de la réservation en ligne et les hôtels, avait jugé il y a quelques mois le député PS Razzy Hammadi, président de la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC). Booking affirme, de son côté, "être pleinement respectueux des règles commerciales en vigueur".

Montebourg, l’hôtelier en chef

Booking n’est pas le seul site à imposer de telles clauses aux hôtels, et Arnaud Montebourg le sait. Le ministre avait d’ailleurs déjà assigné en justice l’autre géant du secteur, l’Américain Expedia (Expedia.fr, hotels.com) pour les mêmes raisons en novembre 2013.

Cette première plainte ministérielle avait été déposée au tribunal de commerce quelques jours après le lancement d'une pétition en ligne  par tous les syndicats représentatifs de la profession. Son thème ? Le "ras-le-bol" généralisé. Arnaud Montebourg a alors été prompt à se draper des habits du héraut de la guerre des hôtels français contre les plateformes internationales de réservation.

Cependant, il y avait un grand absent dans l’argumentaire du patron de Bercy : la revendication des hôteliers de négocier à la baisse les commissions exigées par les sites internet sur chaque réservation faite en ligne. Les plus petits établissements indépendants sont ainsi tenus de reverser environ 30 % aux centrales de réservation en ligne. Ce montant serait jusqu’à trois fois supérieur aux commissions imposés par ces mêmes sites aux hôtels américains, a constaté la CEPC.

Rater le coche du numérique

"Avec la crise, les hôteliers ont commencé à baisser leurs tarifs et sont devenus de plus en plus dépendants du trafic généré par les sites de réservation", explique Laurent Duc, président de la Fédération française de l'hôtellerie, au site du magazine Challenge.

Ils n’ont pas non plus eu les moyens, ou même l’idée de développer à temps une offre propre sur l’Internet, poursuit le magazine. Un cas classique d’une profession qui a raté le coche du numérique. “Les sites d’intermédiaires ont pris une telle importance aujourd’hui, sont tellement bien placés sur des moteurs de recherche comme Google que le rapport de force est devenu totalement inégal”, souligne l’avocat interrogé par FRANCE 24.

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Booking.com contre-attaque
Arnaud Montebourg porte plainte contre Booking.com ? Que nenni, répond la plateforme néerlandaise de réservation de chambres d’hôtel. Elle reconnaît, certes, devoir s’expliquer devant la justice sur ses pratiques commerciales avec les hôtels français, mais entend ôter à l’actuel patron de Bercy la paternité de l’action en justice.

“Booking.com a été notifié de l’assignation requise par le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, le 21 février 2014. Aussi, contrairement à ce que laisse entendre le communiqué du ministre diffusé hier dans la soirée, cette information est connue depuis plus de trois mois”, affirme le site dans un communiqué de presse reçu par FRANCE 24.

Une manière, pour Booking, de suggérer que c’est dans de bien vielles marmites qu’Arnaud Montebourg chercherait à faire sa nouvelle soupe médiatique.

Contacté par FRANCE 24, Bercy maintient sa chronologie des faits… Enfin, plus ou moins. Selon le ministère, Booking a été formellement assigné en justice le 6 mai dernier alors qu’Arnaud Montebourg était en charge de l’Économie. En outre, la première audience dans cette affaire a eu lieu en fin de semaine dernière.

Pour autant, Booking.com n’a pas sorti la date du 21 février de son chapeau. Le site a, à cette date, reçu de Bercy le courrier l’informant de sa prochaine assignation.