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Grèce : que va faire Syriza de sa victoire aux européennes ?

Arrivée en tête, dimanche, aux élections européennes, la coalition de la gauche radicale grecque Syriza a capté le vote contestataire en Grèce. Son leader, Alexis Tsipras, entend provoquer des élections législatives anticipées dans le pays.

En avril, sur le plateau de FRANCE 24, Alexis Tsipras en était sûr : son parti allait être "la surprise des élections européennes". Selon lui, si Syriza arrivait en tête au scrutin du 25 mai en Grèce, ce serait "un message très important". Dimanche, les urnes lui ont donné raison : avec 26,6 % des voix, la coalition de la gauche radicale grecque est devenue le premier parti du pays. Syriza s’est adjugé six sièges au Parlement européen (contre 4,7 % et un siège en 2009), devant les conservateurs de la ND (Nouvelle démocratie), du Premier ministre Antonis Samaras, qui ont obtenu 22,7 % (cinq sièges).

Trois membres d’Aube dorée siègent à Bruxelles

Malgré leurs démêlés judiciaires, les néo-nazis du parti Aube dorée ont eux aussi fait un score choc aux élections européennes du 25 mai. Avec 9,3 % des suffrages exprimés sur plan national (contre 0,46 % en 2012), ils récoltent trois sièges et représentent la troisième force politique de cette élection, derrière Syriza et les conservateurs mais devant les socialistes du Pasok (rebaptisé Elia, olivier en grec) qui obtiennent 6,6 % des voix (deux sièges).

Il y a quelques jours, le porte-parole d’Aube dorée se disait persuadé que le Front national de Marine Le Pen ferait appel à Aube Dorée pour constituer un groupe au Parlement européen. Mardi, la présidente du parti français d’extrême droite a répondu par la négative.

Sur les 18 députés que compte Aube dorée au Parlement grec, six sont en prison, 9 autres sont actuellement mis en examen.

Peu après la publication des premières tendances, le conservateur Antonis Samaras, à la tête d’un gouvernement d’union nationale qui réunit les frères ennemis de la ND et les socialistes du Pasok, a tenu à relativiser : "Ce résultat envoie un message au gouvernement mais repousse son renversement [...], que Syriza souhaitait." Lundi 26 mai, Alexis Tsipras revenait à la charge, en demandant "le plus tôt possible", "de façon organisée et régulière", la tenue d'élections législatives anticipées, alors que le prochain scrutin est prévu dans deux ans, en 2016.

"On s’attendait à ce que Syriza fasse plus"

Aux élections législatives grecques de 2012, Syriza s’était déjà hissé à 26 %, devenant, en Grèce, le principal parti d’opposition. Aujourd’hui, ce nouveau succès électoral a de quoi réjouir Alexis Tsipras. Dimanche soir, il tweetait : "Syriza a remporté une victoire historique en Grèce aujourd’hui. S’il s’agissait d’élections nationales, alors les conservateurs ne seraient plus en mesure de continuer leur politique d’austérité."

Mais, selon Alexia Kefalas, correspondante de FRANCE 24 à Athènes, le succès de Syriza, s’il est net, n’est pas non plus un raz-de-marée : "On s’attendait à ce qu’il fasse plus", explique-t-elle. "Au sein même de la majorité, on était déjà en train de se mettre d’accord sur une date pour des élections législatives anticipées, fin juin", assure la journaliste.

Syriza s’ancre sur les plans national et local

Après 35 ans de corruption et de laxisme budgétaire, Alexis Tsipras incarne une forme de rupture dans laquelle un nombre croissant de citoyens grecs se retrouvent. Mais s’il est bon tribun – il l’a encore prouvé lors du dernier débat télévisé pour la présidence de la Commission européenne au cours duquel il s’est montré pugnace face à Jean-Claude Juncker – Tsipras est encore en quête de crédibilité. "Quand il parle de renationaliser les sociétés, personne n’y croit ! ", explique Alexia Kefalas, qui résume : "Le vote Syriza est plus un vote contestataire qu’idéologique. Mais Tsipras en est très conscient, il est en train de changer, par exemple en s’entourant d’économistes."

Syriza s’ancre aussi au niveau local. Dimanche, les Grecs votaient également pour le second tour des élections régionales et des municipales. Rena Dourou, la candidate du parti dans la région de l’Attique (Athènes) a été élue, tandis que le candidat de Syriza à la mairie d’Athènes manquait de peu l’élection à l’Hôtel de Ville de la capitale grecque. Ces deux exemples attestent de l’implantation grandissante de Syriza dans un pays épuisé par six années de récession et trois plans d’austérité dictés par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).

Élections législatives anticipées ?

Fort de ces succès, le leader de Syriza devrait profiter de l’été pour rassembler son parti, explique notre correspondante. Au sein de Syriza, de nombreuses questions font débat et notamment la sortie de l’euro. Alexis Tsipras y était favorable il y a encore quelques mois, ce n’est désormais plus le cas. Le parti devrait déterminer les grandes lignes de son positionnement cet été.

"La rentrée va être très difficile pour le gouvernement de coalition dont la majorité ne tient qu’à deux sièges. Une élection législative anticipée à l’automne n’est pas à exclure", estime Alexia Kefalas. "Même si Syriza gagnait, il lui serait très difficile de constituer une majorité au Parlement", explique la journaliste, alors que le Pasok (socialiste) est en lambeaux et que les communistes du KKE ne veulent pas entendre parler du transfuge Tsipras. Et Alexia Kefalas de conclure : "La Grèce n’est pas le pays de la tragédie pour rien".