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"Il n'est pas surprenant que deux Iraniens aient transité par la Malaisie"

La présence à bord du vol MH370 de deux Iraniens munis de passeports européens volés met en lumière les filières d'émigration iraniennes vers l'Europe ou l'Amérique du Nord via l'Asie du Sud-Est. Entretien avec Nader Vahabi.

Les deux passagers munis de passeports volés, qui ont pris place à bord du vol MH370, étaient probablement des Iraniens cherchant à émigrer en Europe via l'Asie du Sud-Est, connue comme une plaque tournante de l'immigration clandestine iranienne.

Nader Vahabi, spécialiste de l’immigration iranienne, dirige le Centre d’études sur la diaspora iranienne (Cédir), basé Paris. Il confirme à FRANCE 24 que la Malaisie est une destination de transit pour les candidats iraniens à l’émigration vers l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Océanie.

FRANCE 24 - Pourquoi transiter par la Malaisie pour émigrer en Europe ?

Nader Vahabi - Que ces deux Iraniens aient transité par Kuala Lumpur n’est pas surprenant. La Malaisie est, avec la Turquie, un pays qui connaît un très important flux migratoire iranien. Pour vous donner une idée, en 2001-2002, on estime qu’il n’y avait que 100 à 150 Iraniens dans ce pays ; actuellement, ils seraient entre 90 000 et 100 000. Cela s’explique par le fait que les ressortissants iraniens peuvent se rendre dans ce pays et y rester trois mois sans visa. Ce délai permet à certains d’entre eux d’envisager une d’autres destinations : l’Europe, l’Amérique du Nord ou l’Océanie.

F24 - Ce phénomène d’émigration iranien est-il massif ?

Selon les chiffres officiels de Téhéran, 16 à 18 % des jeunes Iraniens sont au chômage. Mais officieusement, ce chiffre atteindrait 32 à 34 %. Ces raisons économiques poussent donc toute une tranche d’âge à chercher à émigrer. En 2009, la répression du "Mouvement vert" et les sanctions économiques occidentales ont accentué cette émigration. Il faut rappeler que selon les chiffres officiels fournis par le ministère iranien des Affaires étrangères, 200 000 à 250 000 Iraniens quittent l’Iran chaque année dont environ 45 à 55 % clandestinement.

F24 - Téhéran a annoncé sa "coopération" avec la Malaisie et a fait part de ses "inquiétudes sérieuses" à propos de la question de l'utilisation de faux passeports et de l'immigration illégale. Comment faut-il percevoir cette annonce ?

Les autorités savent très bien que ce trafic existe. Des agences spécialisées à Téhéran aident même les jeunes Iraniens à s’expatrier. Les réseaux sont bien organisés. La déclaration du ministère iranien des Affaires étrangères est donc purement politique. Elle s’inscrit dans le cadre de la normalisation des relations entre la République islamique d’Iran et l’Occident sur fond de nucléaire iranien. L’Iran cherche à améliorer son image qui avait été ternie sous les deux mandats de Mahmoud Ahmadinejad.