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Téhéran lance Mehr, le YouTube des mollahs

Nouvelle attaque iranienne contre l’Internet "made in occident" : Téhéran vient de lancer son propre YouTube, baptisé Mehr. Un concurrent sur lequel il sera impossible de trouver des lolcats et encore moins des vidéos critiques à l’égard du régime.

L’Iran continue petit à petit à construire sa forteresse numérique. Cette fois-ci, la république islamique s’attaque à YouTube, la plateforme star de partage de vidéos du géant américain Google.

Téhéran a lancé, dimanche 9 décembre, son propre site de diffusion vidéo baptisé Mehr (“affection” en persan). “À partir de maintenant, les gens peuvent s’en servir pour placer leur vidéo ou regarder la production de la télévision iranienne”, a indiqué Lotfollah Siahkali, vice-président de la radio-télévision iranienne (Irib).

Le régime décrit cette initiative comme le canal privilégié pour que “les gens partout dans le monde puissent se familiariser avec la culture iranienne”. Ainsi, la télévision nationale publique a incité la population à utiliser ce nouveau service pour mettre en ligne des vidéos sur la célébration du deuil de l’Achoura, l’une des plus importantes fêtes pour les musulmans chiites, qui commémore le massacre de l’imam Hussein et de sa famille.

Mais c’est surtout, pour Téhéran, un moyen de tenter de canaliser la net-attitude d’une partie de la population iranienne très au fait des évolutions du web. L'Iran est, en effet, le plus connecté du Moyen-Orient avec plus de 50% de la population ayant un accès à la toile.

Le régime s’était rendu compte des dommages, en termes d’image, que YouTube pouvait causer lors des manifestations anti-Ahmadinejad qui avaient suivi sa réélection contestée en 2009. Les vidéos alors mises en ligne par les opposants avaient servi de caisse de résonance, à l’étranger, au mouvement de protestation avorté de l'époque.

Depuis lors, YouTube est bloqué en Iran et l’adresse youtube.ir renvoit directement vers la chaîne de télévision publique Fars TV, note le site américain spécialisé dans les nouvelles technologies Techeye.

De Mehr à l’Internet “Halal”

Mehr n’est pas la seule solution “made in Téhéran” pour remplacer des services en ligne crées par des sociétés occidentales. Les autorités ont déjà mis en place une messagerie Internet 100 % iranienne, amenée à remplacer les Gmail, Yahoo etc.… Afin d’y avoir accès, les internautes doivent fournir toute une série d’informations personnelles (nom, adresse, numéro de téléphone). Un bon moyen pour les autorités d’espionner les communications électroniques.

Autant d’initiatives qui s’inscrivent plus largement dans la mise en place d’un Internet “maison” sur lequel le régime travaille depuis plusieurs années. Un vaste dessein qui doit permettre de “de couper physiquement l’Iran du web mondial”, expliquait en septembre dernier à FRANCE 24 Reza Moini, responsable du bureau Afghanistan/Iran de Reporters sans frontières (RSF).

Selon plusieurs rapports, l’Iran s’apprêterait à fermer ses cyberfrontières à sa population, à partir du printemps 2013. Si quelques heureux élus - politiciens, entreprises proches du régime - pourront toujours avoir accès au world wide web, la majorité des Iraniens n'auront accès qu'aux sites adoubés par les autorités. Internet tel que la plupart des démocraties occidentales le connaissent continuera à exister mais le débit sera alors tellement lent qu’il sera quasiment impossible d’y avoir accès.