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Comparer mariage homosexuel et polygamie : "une stratégie rhétorique"

La polémique enfle après les propos du maire du VIIIe arrondissement de Paris, François Lebel, et de Christine Boutin liant mariage homosexuel et polygamie. Une bataille de mots qui divise la classe politique.

Mariage homosexuel et polygamie n’ont a priori rien à voir. Et pourtant, certains voudraient les rendre synonymes. Plusieurs élus de droite et d’extrême droite, ainsi qu'un représentant de l’église catholique, ont en effet évoqué un lien entre la légalisation du mariage gay et la polygamie.

François Lebel, le maire UMP du VIIIe arrondissement de Paris, a ainsi fait grand bruit mercredi en soutenant : "Par exemple : comment s'opposer demain à la polygamie en France, principe qui n'est tabou que dans la civilisation occidentale ? (…) Pourquoi interdire plus avant les mariages consanguins, la pédophilie, l'inceste qui sont encore monnaie courante dans le monde ?", s’est ainsi interrogé l’élu dans l'éditorial du numéro d'octobre du journal d'information municipale, précisant que lui-même ne procéderait, "personnellement, à aucun mariage de cette nature".

Ces mêmes affirmations avaient déjà été tenues le 14 septembre, par le Cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, suscitant une vive polémique.

Indignation de la classe politique

Une vague d’indignation a suivi la publication de ce réquisitoire. D’abord condamnées par la gauche et le gouvernement, les affirmations de François Lebel ont été dénoncées de la manière la plus vive par l’UMP.

Harlem Désir (PS) a pour sa part déploré "le retour sur le devant de la scène de la pire droite réactionnaire". Le débat sur le mariage et l'adoption pour tous "ne doit pas souffrir de caricatures ou de propos infamants comme cela avait pu être le cas de la part de nombreux responsables de droite lors des débats sur le PACS", a affirmé l'eurodéputé.

Invitée à réagir sur Europe 1, Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate, s’est pour sa part montrée en partie en accord avec le maire du VIIIe. "Il est vraisemblable que si l'on accepte le mariage homosexuel, on sera amené dans les années à venir à accepter la polygamie en France", a-t-elle ainsi avancé.

Christine Boutin, pour qui "le cardinal Barbarin a réveillé toutes les consciences", voit également dans la prise de position de François Lebel le signe du "malaise d'un certain nombre de maires par rapport à cette obligation qui se profilerait de marier des homosexuels".

Prolixe en critiques contre François Lebel, l’UMP est toutefois restée muette après la prise de position de Christine Boutin. Un silence que la gauche n’a pas manqué de relever et de dénoncer.

Le spectre de la "décadence et des invasions étrangères"

" Il est peu probable que dans les pays où la polygamie est autorisée on envisage un jour de légaliser le mariage homosexuel! "

Sylvain Crépon chercheur et enseignant à la faculté de Nanterre

Sylvain Crépon, chercheur et enseignant à la faculté de Nanterre, rappelle que c’est Marine Le Pen, la présidente du Front national qui, la première, a comparé mariage gay et polygamie durant la campagne présidentielle. "Comme souvent, la droite suit le mouvement du Front national, ou du moins de son aile la plus conservatrice". L’absurdité de la comparaison le fait d’abord sourire : "Il est peu probable que, dans les pays où la polygamie est autorisée, on envisage un jour de légaliser le mariage homosexuel".

Pour lui, ces déclarations sont une "stratégie rhétorique" et relèvent de la "thématique de la décadence ". Et d’expliquer : "Cela consiste à dire que si on s’éloigne de la tradition, notamment la tradition chrétienne, on risque de tomber dans la décadence et d’ouvrir la porte à des mœurs étrangères".

La manière dont certains brandissent le risque que la polygamie vienne un jour à être légalisée témoigne, selon le chercheur, "de la phobie ou du fantasme de l’idéologie conservatrice qui voit dans toute réforme libérale une atteinte à la tradition, au fondement des principes chrétiens".

Toujours est-il que le projet de loi qui doit être présenté le 24 octobre en Conseil de ministre n’a pas fini de diviser la classe politique.