logo

"Ils n'ont plus rien, ils survivent à même les décombres" : à Khan Younès, un nouveau déplacement forcé sous les bombardements
Alors que les attaques israéliennes se poursuivent sur la bande de Gaza, la population civile palestinienne est forcée de continuer à fuir. Les bombardements israéliens autour de Khan Younès, dans le sud de l’enclave, sont devenus plus intenses depuis le 15 mai. L’armée israélienne a ordonné l’évacuation d’une grande partie de la ville, forçant des milliers de familles à prendre la route vers le camp d’Al-Mawasi, à l’ouest.
Par : Mellit Derre

Depuis quelques jours, l’armée israélienne a déclaré Khan Younès "zone de combat" et ordonné le déplacement de la population de la ville. Des colonnes de familles exténuées, souvent à pied ou entassées dans des véhicules de fortune, cherchent à rejoindre le camp surpeuplé d'Al-Mawasi, lui aussi visé régulièrement par des frappes israéliennes. Selon des médias locaux, les bombardements sur Khan Younès et les villes aux alentours auraient fait plusieurs morts.

Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.

Accepter Gérer mes choix

Avertie par des tracts, la population palestinienne a commencé à quitter Khan Younès lundi 19 mai. Sur la carte publiée par l’armée israélienne, que l’on retrouve sur la chaîne Telegram officielle de son porte-parole, c’est tout l’est de la ville de Khan Younès qui apparaît en rouge, et donc en zone à évacuer selon l’armée.

"Ils n'ont plus rien, ils survivent à même les décombres" : à Khan Younès, un nouveau déplacement forcé sous les bombardements
"Ils n'ont plus rien, ils survivent à même les décombres" : à Khan Younès, un nouveau déplacement forcé sous les bombardements

Contactées par la rédaction des Observateurs, des personnes déplacées de force depuis Khan Younès ont témoigné que la situation était un véritable enfer : terrorisées, elles disent avoir fui sous les bombardements avec leurs enfants, épuisées, affamées et contraintes de dormir dehors, sans abri, à Al-Mawasi, faute de place dans un camp déjà surpeuplé. Sur les quelques images qu’elles ont pu nous transmettre, on voit des familles en fuite, des femmes marchant sous la charge de leurs affaires et des véhicules débordant de sacs, matelas et effets personnels.

"Ils n'ont plus rien, ils survivent à même les décombres" : à Khan Younès, un nouveau déplacement forcé sous les bombardements

Face à un nouvel ordre d’évacuation donné par l’armée israélienne, la colère gronde également contre le Hamas, accusé par certains habitants de les exposer inutilement aux bombardements. Dès le 19 mai, des vidéos de manifestation à Khan Younès sont publiées sur les réseaux sociaux. Sur les images, plusieurs milliers de personnes marchent dans les rues en reprenant notamment des slogans anti-Hamas, tels que "Sortez, sortez, Hamas, sortez" et "Nous voulons vivre".

Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.

Accepter Gérer mes choix

"Les conditions d’accès aux besoins de base – alimentation, eau potable – sont inexistantes"

Caroline Bedos, coordinatrice des opérations pour le Moyen-Orient chez Médecins du monde (MdM), décrit un territoire entier ravagé par la guerre et une population qui cherche à survivre :

On assiste effectivement à des déplacements sur l'ensemble du territoire de Gaza, avec des bombardements et une occupation militaire incessants depuis notamment cinq jours, qui ont provoqué le déplacement de 140 000 personnes entre le 15 et le 20 mai. Ils ont été déplacés plusieurs fois au cours des 19 derniers mois, donc ils n'ont plus rien. Ils vivent, ils survivent à même les décombres.

On est sur un nombre de victimes extrêmement élevé. Et encore une fois, on insiste sur le fait qu’il y a des victimes directes de ces frappes et de ces bombardements incessants. Mais il y a aussi les victimes d'une situation de blocus total depuis neuf semaines, qui entraîne des morts indirectes, parce que les conditions d’accès aux besoins de base – alimentation, eau potable – sont inexistantes.

À Gaza, une femme enceinte sur cinq et un enfant de moins de cinq ans sur quatre est atteint de malnutrition aiguë.

Le gouvernement israélien a annoncé ces dernières 48 heures avoir autorisé l’entrée de quelques camions d’aide. Mais sur le terrain, les ONG sont catégoriques : cela ne suffira pas, loin de là. Caroline Bedos alerte :

On est plus que sceptiques. Dans un contexte où, même au moment du cessez-le-feu, il fallait 600 camions par jour pour répondre aux besoins – ce qui n'était déjà pas suffisant –, on parle aujourd’hui [lundi 19 mai] de neuf camions. Pour deux millions de personnes.

Médecins du monde, comme de nombreuses autres ONG internationales, dispose de convois prêts à entrer dans Gaza avec du matériel médical vital. Mais les autorisations israéliennes ne viennent pas et les convois sont toujours bloqués à la frontière égyptienne.

On insiste toutes les deux heures auprès des autorités israéliennes pour faire entrer cette aide. Rien ne passe. Donc non, ce n’est pas vrai qu’il y a de l’aide humanitaire qui entre dans Gaza. C’est une farce.

Le 12 mai, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) ont alerté sur une "catastrophe imminente" dans la bande de Gaza, en indiquant que plus de 71 000 enfants ainsi que 17 000 mères ont déjà besoin d’un traitement d’urgence contre la malnutrition aiguë. Selon les dernières données de l'ONU, environ 1,9 million de personnes, soit plus de 85 % de la population de Gaza, ont été déplacées depuis le 7 octobre 2023 en raison du conflit en cours.