
Quelques camions en file indienne, sur fond de soleil couchant. Cette photo, anodine en apparence, a été partagée par de très nombreuses chaînes Telegram palestiniennes d’information mardi 20 mai en fin de journée. "Le convoi de camions d'aide entrant actuellement dans la bande de Gaza par le point de passage de Kerem Shalom", commente une chaîne locale du camp de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza. Le point de passage de Kerem Shalom, lui, est situé à son extrémité sud : il est contrôlé par l’armée israélienne.
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Accepter Gérer mes choixDepuis le lundi 19 mai, les autorités israéliennes ont en effet décidé de laisser entrer un nombre limité de camions d’aide humanitaire par Kerem Shalom. La bande de Gaza était auparavant, et depuis 11 semaines, soumise à un siège total de la part de l’armée israélienne, qui ne laissait entrer aucune aide humanitaire. De nombreuses organisations internationales alertent depuis sur les effets catastrophiques de cette décision sur les civils. L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) affirme ainsi qu'un Gazaoui sur cinq risque de se trouver en situation de famine.
Malgré l’annonce de l’entrée des premiers camions au point de passage de Kerem Shalom lundi 19 mai, ce n’est que le 21 mai en fin de journée que les premières vidéos images montrant la distribution de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza ont été publiées. On y voit des sacs de farine frappés du logo du Programme alimentaire mondial (PAM), l'organisme d'aide alimentaire de l'ONU, être déchargés dans des boulangeries.
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L’aide retardée au point de passage de Kerem Shalom
Les raisons de ce délai de près de trois jours ne sont pas claires. Contacté, le COGAT, l’administration militaire israélienne chargée des questions liées aux civils palestiniens, nous a affirmé que "93 camions de l'ONU transportant de l'aide humanitaire, notamment de la farine pour les boulangeries, de la nourriture pour bébés, du matériel médical et des médicaments, ont été transférés [mardi 20 mai] dans la bande de Gaza".
Jeudi 22 mai, les Nations Unies affirmaient quant à elle que le contenu de 90 camions avaient pu être pris en charge par des associations, sur près de 200 qui auraient franchi le passage de Kerem Shalom depuis le début de la semaine.
Le COGAT nous a également envoyé des images, où on voit plusieurs camions être déchargés par des transpalettes. La scène ne montre pas les camions à l’intérieur de la bande de Gaza : elle semble avoir été tournée dans le point de passage de Kerem Shalom.
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Le logo du PAM est visible sur certains des cartons d’aide, ce qui confirme qu’il s’agit bien de l’aide distribuée dans la bande de Gaza le 21 mai au soir.

Une porte-parole du PAM nous a confirmé mercredi 21 mai que l’aide était bien restée bloquée mardi et mercredi dans la journée au checkpoint de Kerem Shalom. "L’aide est retenue dans une zone d’attente. L’ONU essaye d’obtenir les autorisations pour pouvoir la collecter et la distribuer", explique-t-elle.
"Il n’y a aucune raison pour que ce soit si compliqué", commente Juliette Touma, directrice de la communication de l’UNRWA. “Pendant le cessez-le-feu, les choses fonctionnaient correctement, et nous faisions entrer plusieurs centaines de camions par jour. C’est totalement faisable, il n’y a aucune raison pour que l’entrée de quelques dizaines de camions pose problème.”
Des activistes israéliens d’extrême droite ont par ailleurs tenté de ralentir la circulation des camions d’aide dans la matinée du 21 mai, selon des vidéos prises sur place.
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Accepter Gérer mes choix"Le Nord de Gaza n’a reçu aucune aide humanitaire ou médicament"
Même une fois le checkpoint passé, cette aide n’a pu être acheminée que dans le sud de Gaza « Le nord de Gaza n’a reçu aucune aide humanitaire ni médicament », affirme ainsi Youssef, un habitant du nord de l’enclave originaire de Jabaliya.
Une information confirmée par Nahid Shahibar, président de l'association des transports spéciaux de Gaza, qui supervise le trafic des camions d’aide.
Dans la ville de Gaza, à Jabaliya, Beit Lahia ou Beit Hanoun… Dans le nord, il y a plus de 1,7 million de personnes qui n'ont rien reçu.
Les habitants de plusieurs de ces agglomérations, comme Jabaliya ou Beit Lahia, ont été sommés d’évacuer une nouvelle fois par l'armée israélienne mercredi 21 mai.
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Accepter Gérer mes choixSuite à cet ordre d’évacuation, Youssef prépare son départ contraint :
J’ai envoyé ma femme et mes enfants en sécurité, dans un autre endroit à l’ouest de Gaza-ville. Jusqu'à présent, je ne suis pas parti, mais je vais m’en aller aussi car la situation est difficile : l'armée israélienne bombarde et fait exploser les maisons.
"Nous souffrons de la pauvreté et de la faim"
Ces dernières semaines, faute d’aide humanitaire accessible, de nombreux Gazaouis ont dû se reposer sur la charité privée pour survivre. C’est le cas d’Abou Samira, un habitant de Khan Younès qui collecte des fonds sur Snapchat sous ce nom afin d’aider sa famille et ses proches.
C’est une petite initiative, j’ai n’ai aucun contact avec des personnes travaillant dans ce domaine. Mes proches et moi n’avons aucune source de revenus, et nous souffrons de la pauvreté et de la faim.
La pénurie de nourriture a en effet causé une explosion des prix sur les marchés de la bande de Gaza, ce qui rend les produits de première nécessité inaccessibles à la plupart des habitants.

J’ai vu arriver les camions, mais leur contenu n’a pas encore été distribué. J’espère que ce sera bientôt.
Des zones de Khan Younis situées à proximité du lieu de vie d’Abou Samira ont également été soumises à une ordre d’évacuation de l’armée israélienne. Le père de famille ne sait pas s'il doit partir pour al-Mawasi, sur la côte, comme cela lui est demandé.
Je n’ai pas pu bouger pour le moment, il y a trop de monde à al-Mawassi. Mais si l’armée israélienne confirme que nous devons évacuer, nous partirons, pour le bien de ma famille.
"Le siège continue, malgré cette goutte d’aide"
Juliette Touma de l’UNRWA souligne également l’insuffisance du nombre de camions autorisés à entrer dans la bande de Gaza.
S'il s'agit de 90 camions, c’est à peine un cinquième de ce dont les Gazaouis ont besoin, soit 500 à 600 camions par jour. Je pense qu’il est grand temps de cesser d’être distraits par ces chiffres que les autorités israéliennes ne cessent de mettre en avant auprès des médias.
Actuellement, il y a un siège de Gaza. Le siège continue, malgré cette goutte d’aide. Ce n’est même pas une goutte, c’est une gouttelette. Laisser entrer juste ces quelques camions, c’est obscène, compte tenu des informations qui sortent de Gaza, en termes de malnutrition infantile, par exemple.
La nourriture, c’est important bien sûr, mais ce n’est pas la seule chose nécessaire. Il y a aussi les médicaments, l’eau, le carburant, les produits d’hygiène. C’est un ensemble de produits de base, que nous avons dans nos camions. L’UNRWA en a 3000, pour la plupart en Jordanie, ils peuvent être à Gaza en trois heures. C’est ça qui devrait se passer.
Alors que l’UNRWA est l’agence de l’ONU la plus importante à l’intérieur de la bande de Gaza, celle-ci n’a toujours pas été autorisée à faire rentrer ses camions d’aide dans l’enclave palestinienne au moment de la publication de cet article, le 22 mai 2025.
Depuis les attentats du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas et le début des bombardements de l'armée israélienne dans la bande de Gaza, les autorités israéliennes s’en sont plusieurs fois prises à l’UNRWA, jusqu’à interdire ses activités sur le territoire israélien en octobre 2024.