Avec 17,9 % des suffrages récoltés au premier tour de la présidentielle française, la candidate du Front national vient jouer le trouble-fête de l'élection. Un rôle d'arbitre qui inquiète les éditorialistes étrangers. Revue de presse.
"Un vote sur cinq pour Le Pen". À l’instar du quotidien britannique "The Daily Telegraph", le score historique de la candidate du Front national, Marine Le Pen, à l'élection présidentielle française provoque la stupeur chez les éditorialistes étrangers. La performance de l’extrême droite fait même davantage réagir que le duel attendu entre le socialiste François Hollande et le président sortant Nicolas Sarkozy au second tour. Avec 17,9 % au premier tour, "l’ouragan Le Pen" inflige une gifle à Sarkozy, estime le quotidien italien "La Repubblica". "Les deux candidats qui restent pour la finale […] devront se disputer le suffrage de la colère, celui obtenu par le Front national [FN], le parti xénophobe", écrit le journal. "C’est une défaite cuisante pour Sarkozy qui confie son sort aux électeurs de Marine Le Pen", renchérit un autre quotidien italien "Il Corriere della Sera".
"Une honte pour la démocratie", fustige pour sa part le journal allemand "Berliner Zeitung", évoquant la "mauvaise surprise" Le Pen. Outre-Rhin, la déferlante du vote d’extrême droite sur la présidentielle française ne passe pas. Le "Süddeutsche Zeitung", journal de centre-gauche, tire la sonnette d’alarme : le score de Marine Le Pen "est un avertissement fatidique pour toute l’Europe". "Notre pitié va à Hollande", écrit par ailleurs le journal d'actualité économique "Handelsblatt". "Il devra gouverner un pays qui a perdu ses illusions", ajoute-t-il. L’hebdomadaire "Der Spiegel" partage la même analyse : pour lui, les Français "sont frustrés à la vue de l’état de leur pays et en colère contre leur président".
Et, en effet, le ressentiment des Français à l’égard de Nicolas Sarkozy s’est exprimé dimanche 22 avril dans les isoloirs : c’est la première fois en 30 ans qu’un chef de l'État sortant n’arrive pas en tête du premier tour d’une présidentielle. Pis, les instituts de sondage le donnent perdant au second tour face François Hollande. Pour le quotidien belge "Le Soir" le verdict des urnes est tombé comme un couperet : "Les scores affichés ne sont pas mous : avec un taux de participation de 80 %, les Français ont massivement et volontairement dit 'non' au président bling-bling et voté pour d'autres que lui", écrit l’éditorialiste politique du quotidien. Même analyse dans "The Guardian" : "Le message est clair, la France en a assez de son président […] Seul un miracle pourrait le sauver au second tour", prédit le quotidien britannique.
"Prouesse inédite dans l’arithmétique politique"
Le journal allemand "Frankfurter Allgemeine Zeitung", comme la plupart des journaux étrangers, ne croit pas en la victoire de Nicolas Sarkozy au second tour. Le quotidien financier ne s'encombre d'aucune circonlocution pour décrire ce qu’elle estime être une humiliation pour le président sortant. "Un verdict peut difficilement être plus impitoyable que celui que les électeurs français ont rendu", assure-t-il. Pour l’éditorialiste du quotidien, des choix cornéliens attendent les stratèges de la majorité française : "Si Sarkozy veut encore gagner au second tour, il devra gagner à la fois les voix de l’extrême droite et du centre – ce qui serait en tout état de cause une prouesse inédite dans l’arithmétique politique".
Séduire les militants FN s’apparente d’ailleurs une mission impossible aux yeux du correspondant à Paris du quotidien suisse "Le Temps". En reportage dans la salle Équinoxe, louée par le parti d’extrême droite pour la soirée électorale, dans le XVe arrondissement de la capitale française, le correspondant du journal helvétique constate l’ampleur du défi qui attend Nicolas Sarkozy. "Les militants ont prévenu que pour rien au monde ils ne donneraient leur voix au président sortant", écrit-il.
La presse grecque, en revanche, fait peu de cas du score de l’extrême droite. Soucieux de voir l’alliance Merkel-Sarkozy imploser, les Grecs se réjouissent du score de François Hollande. Celui que "Ta Nea", le quotidien hellénique de centre-gauche, surnomme le "Roosevelt européen" aura pour mission, en cas de victoire finale, d’instaurer une politique européenne "plus tournée vers le développement et moins encline à imposer la rigueur". Un défi colossal pour le candidat socialiste. Presqu’aussi grand que celui, pour Nicolas Sarkozy, d’inverser le rapport de force établi au premier tour de la présidentielle.