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Jean-Paul Guerlain condamné à 6 000 euros d’amende pour son "imbécillité"

Jugé pour ses propos tenus en octobre 2010 sur le "travail des nègres", Jean-Paul Guerlain a été condamné, jeudi, à 6 000 euros d'amende pour injure raciale. SOS-Racisme s'est dit satisfait, estimant que le verdict était "important pour la société".

"Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin…" Le Tribunal correctionnel de Paris a jugé jeudi 29 mars que ces propos, tenus par Jean-Paul Guerlain sur France 2 le 15 octobre 2010 constituait une "injure raciale" et un "trouble à l’ordre public". Le célèbre parfumeur a été condamné à une amende de 6 000 euros, en plus des 2 000 euros de dommages et intérêts qu’il devra verser à chacune des trois associations qui se sont constituées parties civiles: le Mrap, la Licra et SOS Racisme.

"Cette condamnation pour principe est importante pour M. Guerlain et pour la société dans laquelle nous évoluons", a commenté maître Patrick Klugman, avocat de SOS-Racisme. "C’est une affaire emblématique qui a choqué et heurté comme rarement. Dans le journal télévisé, à une heure de forte audience, un homme vient dire tranquillement que pour une fois, il avait travaillé comme un nègre, tout en s’interrogeant sur le fait que les nègres n’aient jamais travaillé."

Les propos de Jean-Paul Guerlain avaient effectivement soulevé un tollé. Les appels au boycott de la marque Guerlain et les manifestations devant plusieurs boutiques avaient poussé la maison de parfumerie à se désolidariser de son fidèle "nez", qualifiant d’"inadmissibles" ses propos et mettant un terme à toute collaboration – le parfumeur n’était plus en activité depuis 2002.

Durant l’audience du procès, qui s’est tenu en février dernier, l’homme âgé de 75 ans avait reconnu avoir proféré "une imbécillité" : "J’ai voulu faire rigoler la journaliste et je le regrette. Je présente toutes mes excuses à la communauté noire", avait-il déclaré.

"Le tribunal reconnaît qu’il n’a pas voulu blesser la communauté noire"

"Ce n’est pas parce que M. Guerlain s’ignore comme raciste que nous devons ignorer qu’il est raciste", a rétorqué, à l’issue du verdict, l’avocat de SOS-Racisme. "L’expression 'travailler comme un nègre' vient d’un moment précis de l'Histoire, elle a été créée dans la langue française au moment de l’esclavage. C’est une survivance d’un crime révolu et on ne peut pas dire devant un tribunal : j’ai dit cela sans m’en rendre compte. Dire cette expression est nécessairement une insulte à la mémoire des personnes qui ont souffert dans les fonds de calle. M. Guerlain a la supérieure indifférence de dire : je vous ai blessé sans m’en rendre compte."

Pour autant, Jean-Paul Guerlain n’a pas été condamné pour avoir évoqué le fait de "travailler comme un nègre", expression que le juge estime "datée et désagréable", mais qui ne saurait "constituer une injure dans le contexte litigieux". En revanche, le magistrat a estimé que la deuxième partie de la phrase ("je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé") revenait "à suggérer la fainéantise" d'un "groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur race, ce qui est tout à la fois méprisant et outrageant". Le tribunal poursuit : "même s'il n'avait pas la volonté délibérée de blesser la communauté noire, Jean-Paul Guerlain ne pouvait qu'avoir conscience du caractère blessant de ses propos".

Ces commentaires du juge donnent satisfaction à la défense de Jean-Paul Guerlain, représentée par Maître Basile Ader. "Le tribunal reconnaît qu’il n’a pas voulu blesser la communauté noire mais a simplement voulu être drôle", reformule Me Ader. "En somme, le magistrat dit : il n’avait pas le droit d’être drôle avec des propos aussi blessants. Donc il reconnaît l’absence d’intention mais ne lui donne pas droit à la mauvaise plaisanterie."

Jean-Paul Guerlain n’est pas tranquille pour autant. Une autre affaire devrait très prochainement être portée devant les tribunaux. Le parfumeur aurait déclaré devant des employés d’Eurostar, le 24 février dernier : "La France est un pays de merde, c’est une boîte de merde et en plus on n'est servi que par des immigrés". En retard pour prendre le train à la Gare du Nord, à Paris, il venait de se voir refuser l’accès aux rames. Jean-Paul Guerlain se serait alors emporté violemment contre les trois agents qui l’aidaient à se déplacer en fauteuil roulant. Deux d’entre eux étaient noirs, le troisième était une femme d’origine asiatique.

SOS-Racisme et le "collectif anti-négrophobie" entendent bien donner suite à cet esclandre. "On connaît un témoin qui participe à nos actions et qui était présent sur les lieux où ces insultes ont été proférées. On rédige le dépôt de plainte et vous entendrez très prochainement parler de cette affaire", promet Franco Lollia, du collectif anti-négrophobie. Cette "brigade" est une émanation de l'Alliance noire citoyenne, mouvement créé il y a 5 ans et qui s'est justement fait connaître en organisant en octobre dernier le boycott des magasins Guerlain des Champs-Elysées et des Galeries Lafayette.