
Alors que la Cour suprême doit se prononcer sur la validité de la réforme du système de santé souhaitée par Barack Obama, nombre d'Américains semblent encore opposés à une disposition symbolisant, selon eux, l'interventionnisme étatique.
Il s’agit du feuilleton judiciaire le plus important depuis la présidence de George W. Bush (2001-2009). Cette semaine, la Cour suprême américaine doit déterminer si la réforme du système de santé, élaborée en 2010 par Barack Obama, est conforme à la Constitution.
La réforme phare de l'actuel locataire de la Maison Blanche prévoit que tous les Américains soient dotés d’une assurance-maladie d’ici à 2014. Un changement radical dans un pays où 30 millions de personnes ont longtemps été dépourvues de toute couverture santé.
La plupart des études indiquent qu’une majorité d’Américains est favorable à certains volets de la disposition, notamment celui prévoyant que les moins de 27 ans soient pris en charge par l’assurance de leurs parents. Mais un récent sondage du "New York Times" et de CBS révèle que deux tiers d'entre eux veulent qu’au moins une partie de la réforme soit rejetée. Même chez les démocrates, ils ne sont que 56 % à soutenir l'intégralité de la réforme.
L’administration Obama s’attend à ce que la loi gagne en popularité une fois son entrée en vigueur définitive en 2014. Mais certains analystes estiment qu’un rejet de toute couverture santé universelle est profondément ancré dans les mentalités américaines.
"Crime contre la démocratie"
Karlyn Bowman, analyste au sein du think-tank conservateur American Enterprise Institute souligne qu’une partie de l’opinion publique est viscéralement opposée aux grandes réformes fédérales. "Les Européens sont, d’un point de vue historique, davantage en faveur d’un gouvernement fort et interventionniste que les Américains, explique-t-elle. L’opposition [à la réforme de santé d’Obama] est en phase avec la manière dont se comportent les Américains : un grand scepticisme vis-à-vis du pouvoir et de la portée du gouvernement fédéral."
En décembre 2011, Barack Obama avait lui-même qualifié ce scepticisme envers le pouvoir central de “sain”, notant qu’il avait conduit à la révolution américaine et qu’il était présent dans l’ADN du peuple.
Le volet le plus controversé de la réforme - et qui devrait faire l'objet de toutes les attentions de la Cour suprême - est celui rendant obligatoire, sous peine d'amende, la souscription à une assurance-santé. Le sondage du "New York Time" et de CBS indique que 51 % des sondés sont opposés à une telle obligation, devenue, au fil du temps, la cible de tous ceux qui luttent contre l’"Obamacare".
“Les Américains se sont d’abord élevés contre la loi imposant aux motards de porter un casque tout comme celle rendant obligatoire le port de la ceinture de sécurité au volant, et maintenant ils s’offusquent qu’un gouvernement fédéral exige d’eux qu’ils aient une couverture santé", note Karlyn Bowman.
Parmi ceux qui ont porté cette réforme devant la Cour suprême : 26 des 50 États que compte le pays, un lobby appelé la National Federation of Independent Business (NFIB) et des particuliers. Tous refusent que le gouvernement leur dise comment dépenser leur argent.
Des élus républicains de premier plan, comme l’ancienne candidate à la vice-présidence Sarah Palin et l’ex-candidate à l’investiture du parti, Michele Bachmann, sont allées jusqu’à qualifier la réforme de "tout à fait maléfique" et de "crime contre la démocratie".
Même Barack Obama avait un jour indiqué être opposé à l’assurance-maladie pour tous : c'était en 2008, il était alors candidat à l’investiture du parti démocrate et se battait contre Hillary Clinton, qui avait fait de cette réforme un élément central de sa campagne.
"Opposition émotionnelle" à Obama
À présent que la réforme emblématique de son mandat est sous le feu des critiques, le président américain organise sa défense. Ses soutiens font remarquer que les Américains sans assurance-maladie pèsent sur l’ensemble du système car ils ont inévitablement recours un jour à des soins médicaux. Ils soulignent, en outre, qu’un retour en arrière affecterait au premier chef les plus jeunes et les malades.
Côté républicain, les candidats à l’investiture ne tarissent pas de critiques à l’encontre d’"Obamacare", tous s’étant engagés à revenir sur cette réforme si la Cour suprême la juge conforme à la Constitution.
Cette opposition farouche de la part des leaders du Grand Old Party (GOP) serait un signe de la droitisation des républicains plus que celui d’une réelle confrontation idéologique, selon certains observateurs. "Une réforme [de santé] tout à fait similaire a été mise en œuvre dans le Massachusetts [en 2006], quand Mitt Romney [le favori de la course à la primaire républicaine] était gouverneur, rappelle Thomas Mann, analyste politique au sein du think-tank Brookings Institution. Mais, depuis, les républicains ne parlent plus que de baisser les impôts et de réduire la taille du gouvernement […] Surtout, ils sont émotionnellement opposés à tout ce que peut promouvoir Barack Obama."
Quelle que soit la décision de la Cour suprême, Karlyn Bowman s’attend à ce que certains aspects de la réforme soient conservés. "Dans les deux camps, on reconnaît qu’il y avait des problèmes avec l’ancien système : il était trop cher eu égard à la qualité des services, explique-t-elle. Ceux qui prônent son rejet vont devoir proposer quelque chose à la place. Retourner au statu quo serait inacceptable pour le grand public."