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Emmanuel Macron plus seul que jamais au milieu d'un camp présidentiel qui implose
Conspué par ses opposants, rejeté par l'opinion et lâché par une partie des siens, Emmanuel Macron est plus seul que jamais à la tête d'une France qui s'est enfoncée mardi dans la crise politique. Alors que le Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu a encore un jour pour "d'ultimes négociations", le camp présidentiel a implosé au grand jour.
Le président français Emmanuel Macron en Allemagne, le 3 octobre 2025. © Jean-Christophe Verhaegen, AFP via Reuters

Cible des oppositions politiques et impopulaire dans les sondages, le président de la République se retrouve désormais lâché par une partie des siens. Emmanuel Macron paraît plus seul que jamais à la tête d'une France qui s'est enfoncée mardi 7 octobre dans la crise politique, sur les cendres du camp présidentiel.

"On est dans une crise de régime", dit à l'AFP le président de l'Union des démocrates et indépendants Hervé Marseille, pourtant d'ordinaire tout en bonhomie centriste.

Le chef de l'État est lui resté silencieux depuis que la formation du gouvernement de Sébastien Lecornu a viré à la débandade dimanche soir, poussant le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République à démissionner 14 heures plus tard. Pour l'heure, il s'est borné à donner, à celui qui apparaît comme l'un de ses derniers fidèles, 48 heures de plus pour tenter de sauver les meubles depuis Matignon.

Ni Emmanuel Macron ni son entourage n'ont réagi aux charges d'une violence politique inouïe lancées coup sur coup par deux des principaux ténors de son camp, qui furent ses Premiers ministres.

Lâché par Gabriel Attal et Édouard Philippe

Lundi, Gabriel Attal, secrétaire général de Renaissance, le parti dont le chef de l'État est toujours président d'honneur, a acté publiquement son divorce, qui couvait depuis la dissolution de l'Assemblée nationale de 2024. "Je ne comprends plus les décisions du président de la République", a-t-il asséné au journal de 20 h de TF1, déplorant "une forme d'acharnement à vouloir garder la main".

Mardi matin, Édouard Philippe, candidat déclaré à sa succession à l'Élysée, y est allé de sa sentence : "Aujourd'hui, l'État n'est plus tenu", et "c'est la responsabilité du président", a-t-il accusé sur RTL. Surtout, le chef d'Horizons a franchi un pas qu'aucun allié d'Emmanuel Macron n'avait osé franchir jusqu'ici : il l'a appelé à programmer sa démission pour début 2026 afin d'organiser "une élection présidentielle anticipée" après l'adoption d'un budget.

De quoi conforter les opposants qui, au Rassemblement national comme à La France insoumise, appellent à écourter le quinquennat pour sortir de l'impasse, même si, jusqu'ici, l'intéressé a toujours exclu de partir avant 2027.

"Il y a parmi les anciens macronistes une sorte de course à qui se défera le plus rapidement possible de cet héritage", a observé sur France Inter le chef des députés socialistes, Boris Vallaud.

Mardi soir sur BFMTV, la porte-parole démissionnaire du gouvernement, Aurore Bergé, a volé au secours d'Emmanuel Macron en déclarant qu'il resterait président "jusqu'à la dernière minute de son mandat". "Il n'y a pas de mandat révocatoire dans la Constitution française" donc "la question de la démission n'existe pas", a-t-elle tranché.

"Je ne veux pas qu'on attaque l'institution que représente le président de la République", a aussi ajouté cette fidèle macroniste alors qu'elle était interrogée sur les propos de l'ancien Premier ministre Édouard Philippe.

"Atmosphère de fin de règne"

Pour Mathieu Gallard, de l'institut de sondages Ipsos, cette "atmosphère de fin de règne" est en effet liée en partie à la volonté des dauphins potentiels "d'essayer de s'éloigner au maximum de la figure d'Emmanuel Macron", dont la popularité est au plus bas depuis 2017. "C'est un risque, car ils sont aussi comptables du bilan et parce qu'ils risquent de perdre le socle de 15-20 %" des électeurs qui soutiennent encore le chef de l'État, "sans avoir beaucoup d'opportunités d'en gagner ailleurs", prévient-il.

Ces divisions internes étalées au grand jour s'ajoutent à l'explosion du "socle commun", qui liait depuis un an Les Républicains au camp présidentiel pour gouverner. Une coalition constamment mise en avant par Emmanuel Macron comme la seule possible, notamment lorsqu'il a dû justifier pourquoi il ne nommait pas un Premier ministre plus à gauche.

Difficile dès lors pour les socialistes, sur lesquels la macronie compte encore pour faire passer un budget, de ne pas censurer des forces politiques qui se déchirent toutes seules.

"Soit c'est un suicide, soit c'est de la connerie"

Sous couvert de l'anonymat, même ceux qui se présentent encore comme des "amis" du président ne dissimulent pas leur perplexité. L'un d'eux estime que c'est Emmanuel Macron qui a "tué" Sébastien Lecornu, en ne lui permettant pas de faire de vraies concessions au Parti socialiste, et en nommant Bruno Le Maire au ministère des Armées, ce qui a irrité toute la classe politique.

"Je n'arrive pas à résoudre cette équation psychologique", soupire-t-il. "Soit c'est un suicide, soit c'est de la connerie", s'agace un autre proche.

De plus en plus rares sont les macronistes qui s'assument encore ouvertement comme tels. "Le président reste le meilleur, je me battrai pour qu'il aille jusqu'au bout", martèle le patron des sénateurs Renaissance, François Patriat, qui critique l'attaque "contre-productive et choquante" de Gabriel Attal, et le "précédent grave" créé par la demande d'Édouard Philippe.

Pour ce soutien inébranlable, "le problème est aujourd'hui au Parlement, ce n'est pas la solitude de l'Élysée".

Avec AFP