
La Commission européenne dévoile mardi ses nouvelles mesures de protection pour les producteurs européens d'acier © ANDER GILLENEA / AFP/Archives
L'Union européenne passe à l'offensive sur l'acier : la Commission a dévoilé mardi 7 octobre des mesures sans précédent, dont le doublement des droits de douane sur les importations, afin de protéger les sidérurgistes face à une concurrence chinoise de plus en plus écrasante et jugée déloyale.
"En 2024, 18.000 emplois directs ont été supprimés dans la sidérurgie, c'est trop et cela devait cesser", a souligné le vice-président de la Commission, Stéphane Séjourné, en présentant ces mesures à la presse.
La Commission entend tout d'abord réduire de 47 % les quotas d'acier étranger qui peuvent être importés chaque année dans l'UE sans droits de douane.
Ces quotas détaxés devraient ainsi être ramenés à 18,3 millions de tonnes. Soit le volume total d'acier qu'importait l'Union européenne en 2013, avant que le marché ne se retrouve durablement déséquilibré par le développement d'importantes surcapacités de production.
"Au nom de tous les salariés d'ArcelorMittal en Europe, je suis sincèrement soulagé", a réagi Aditya Mittal, le patron du groupe, remerciant l'UE "d'avoir compris la gravité de la situation et d'avoir agi de manière ferme et adaptée".
"Les surcapacités mondiales sont cinq fois plus importantes que la consommation d'acier annuelle de l'UE", a rappelé le commissaire au Commerce, Maros Sefcovic.
Autre mesure radicale, les importations dépassant les quotas vont subir des droits de douane doublés, qui passeront de 25% à 50%.
Ils grimperont ainsi à des niveaux similaires à ceux mis en place aux Etats-Unis et au Canada, selon les propositions de la Commission, qui doivent encore être validées par les 27 et le Parlement européen.
Enfin, les importateurs de produits en acier transformé seront tenus de déclarer dans quel pays le métal d'origine a été "fondu et coulé", une clause qui vise à éviter le contournement des barrières douanières.
"Au bord de l'effondrement"
Ce nouveau plan "pour sauver nos aciéries et nos emplois européens", selon M. Séjourné, doit remplacer la "clause de sauvegarde" mise en place en 2019 par l'UE pour aider les producteurs européens, qui expire mi-2026.
"L'industrie sidérurgique européenne était au bord de l'effondrement. Nous la protégerons pour qu'elle puisse investir, décarboner et ainsi redevenir compétitive", avait promis en amont de ces annonces le vice-président de la Commission.
Les sidérurgistes ont aussitôt salué ce plan, appelant à le mettre en oeuvre au plus vite. L'organisation professionnelle du secteur, Eurofer, a applaudi "une bouée de sauvetage pour les sidérurgistes et les ouvriers".
Bruxelles veut mettre en place ces mesures le plus tôt possible, et au plus tard d'ici la fin des mesures de protection existantes, le 1er juillet 2026.
"Nous devons agir maintenant", a martelé dans un communiqué la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, appelant les 27 et les eurodéputés à entériner "rapidement" ces mesures.
Parallèlement, l'UE continue de négocier avec Washington une exemption de droits de douane pour l'acier européen. L'objectif étant que l'Europe et les Etats-Unis s'épaulent mutuellement, pour mieux résister face au rouleau compresseur chinois.
Plans sociaux

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: l'an dernier, la Chine a fabriqué à elle seule plus de 1.000 millions de tonnes d'acier, soit plus de la moitié de la production mondiale, très loin devant l'Inde (149 millions), le Japon (84 millions) et les Etats-Unis (79 millions), selon l'organisation professionnelle World Steel.
A côté, les pays européens font pâle figure: l'Allemagne n'a produit que 37 millions de tonnes, l'Espagne 12 et la France moins de 11.
Les industriels européens sont profondément déstabilisés depuis des années par leurs concurrents chinois massivement subventionnés. Et ils subissent de plein fouet les surcapacités entretenues par Pékin, qui tirent les prix mondiaux à la baisse.

Résultat, ils multiplient les plans sociaux et fermetures de sites, faisant craindre des conséquences en cascade, dans un secteur comptant encore 300.000 emplois directs et 2,5 millions indirects dans l'UE.
En Allemagne, le conglomérat Thyssenkrupp envisage de vendre sa division acier à l'Indien Jindal Steel, tandis qu'en France, ArcelorMittal vient de supprimer 600 postes et a menacé d'abandonner la décarbonation de ses hauts-fourneaux à Dunkerque.