Carla, alias @Carla.rdv, créatrice de contenus évangéliques aux 300 000 abonnés sur TikTok, participe au culte organisé au Vélodrome de Bordeaux. © Élodie Radenac, France 24
Loin de la solennité des églises catholiques, l’énergie des chants sur scène accompagnés de batterie, guitare électrique et danses rappelle un concert, ce dimanche 5 octobre au stadium-vélodrome de Bordeaux. Plus de 3 700 évangéliques assistent à un culte XXL coanimé par Claude Houde, prédicateur venu du Québec. Ici, le message religieux reste central et le but est de répandre la foi évangélique.
Le mouvement revendique plus d’un million de fidèles en France et, selon le Conseil national des évangéliques de France (CNEF), une nouvelle église ouvre tous les dix jours. Certaines sont des mégaéglises inspirées du modèle américain. Sur scène, Claude Houde rappelle sous les acclamations du public que ce mouvement dépasse les frontières : "Nous faisons partie de quelque chose de grand ; il y a plus de 800 millions de croyants évangéliques dans le monde qui aiment, suivent et servent le seigneur Jésus."
Ce dimanche, 89 cérémonies géantes ont été organisées sur l'ensemble du territoire français par le CNEF. Dans la région de Bordeaux, une vingtaine d'Églises évangéliques ont décidé de fermer leur lieu de culte pour participer à cette célébration qui a duré toute la matinée. Momentum Musique et son leader, le pasteur Dan Luiten, ont assuré la partie musicale, jouant leurs titres "La joie du Seigneur" ou encore "Alleluia" dans une ambiance digne d’un concert pop où les fidèles dansent et, pour certains, partagent ce moment sur leurs réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux, un outil pour recruter les jeunes fidèles
Dans les tribunes, des centaines de téléphones filment le culte et le partagent sur les réseaux sociaux, contribuant à l’essor du mouvement chez les jeunes. Parmi les fidèles, Carla, 19 ans, est créatrice de contenus évangéliques. Suivie par 300 000 personnes sur TikTok et 100 000 sur Instagram, elle tente de toucher les non-croyants à travers ses vidéos : "Il y a beaucoup de gens sur les réseaux sociaux et, en tant que chrétienne, ça m'a beaucoup aidé de voir des personnes qui partageaient leur foi. Ça m'a inspiré et je me suis dit que je pouvais être actrice là-dedans, proposer des vidéos pour inspirer mais aussi, avant tout, rendre la foi accessible."
Carla incarne cette jeune génération qui s’est approprié les codes de la société actuelle pour répandre l’Évangile.
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Une fois la cérémonie terminée, les fidèles sont invités à se rendre aux 40 stands d’information. Carla, qui est aussi illustratrice, vend sur l'un d'entre eux des affiches avec des versets de la Bible. Avec ses dessins, elle veut "évangéliser sans dire un mot", comme elle l’explique dans une de ses vidéos. C'est l’occasion aussi de rencontrer ses abonnés. Parmi eux, Amélie, 27 ans. Elle est évangélique depuis sa naissance mais pratiquante seulement depuis le début de l'année : "Comme je suis jeune, je veux suivre [sur les réseaux sociaux, NDLR] des personnes qui ont notre âge. J'ai envie que d'autres jeunes parlent de l’Évangile. Évangéliser, c’est très important, c’est notre objectif finalement [...]. Des fois, quand j’ai des coups de mou, voir des jeunes qui modernisent la foi, la Parole de Dieu, c’est encourageant, on n’est pas tout seuls."
"Une religion prête à adopter les codes de la jeunesse"
Les mouvements évangéliques ont enregistré une très forte croissance depuis la moitié du XXe siècle. En France métropolitaine, même s’ils restent minoritaires, les évangéliques pratiquants seraient un million, soit 20 fois plus qu’en 1950. Parmi eux, de plus en plus de jeunes. Pour Alexandre Antoine, sociologue et historien des religions, "le protestantisme évangélique est une des religions qui progressent le plus chez les jeunes car elle est prête à adopter les codes de la jeunesse, notamment les réseaux sociaux, la musique... On a du rap, du gospel, du rock évangélique… C’est comme un spectacle, finalement."
Créer un espace pour la religion qui utilise le vocabulaire des jeunes tout en respectant le message de l’Évangile relève d’un équilibre fragile pour les créateurs de contenus. Carla assure ne pas chercher le sensationnalisme sur ses plateformes, où certaines de ses vidéos atteignent plus de 400 000 vues : "Je ne regarde pas mes statistiques. Mon but, ce n'est pas d’avoir toujours plus d’abonnés. Ça ne ferait pas sens de vouloir attirer des foules et de rentrer dans quelque chose de trop marketing. Je partage ce qui me parle à moi et si ça résonne pour les gens, c’est l’essentiel."
Dans une société marquée par de nombreuses crises, dont celle de la pandémie de Covid-19, le mouvement évangélique attire des jeunes à la recherche de réponses. "La quête de sens reste un élément clé, surtout pour une jeunesse vivant dans un monde où il n’y a plus aucun repère", analyse Alexandre Antoine. "Les vérités sont changeantes et personnelles. Un certain nombre de ces jeunes cherchent un sens à la compréhension du monde, un sens sur la question de l’éternité."
Si les mouvements évangéliques sont tournés vers la modernité, leur vision du monde reste cependant celle de la lecture littérale de la Bible. Les églises protestantes évangéliques véhiculent des idées conservatrices comme le mariage réservé aux couples hétérosexuels et refusent le droit à l'avortement. Elles sont également parfois pointées du doigt pour leurs méthodes jugées sectaires – ce qu'elles contestent.
En France, il existe une église évangélique pour 25 000 habitants. Le CNEF a pour ambition de développer l’implantation d’églises avec l’objectif d’avoir une église pour 10 000 habitants dans tout le pays.