Après avoir scellé la réconciliation entre la France et la Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara, toujours en visite d'État, rencontrera les grands patrons français ce vendredi au siège du Medef à Paris pour tenter de développer les échanges économiques.
Le président ivoirien Alassane Ouattara ne cache pas ses ambitions économiques. En visite en France depuis mercredi 25 janvier pour une durée de 72 heures, le chef d'État ivoirien souhaite sceller des retrouvailles avec la France. Élu depuis moins d’un an à la tête d’une nation dévastée par dix ans de guerre civile, l’homme que l’on qualifie d’ultralibéral souhaite remettre la Côte d'Ivoire sur les rails, parmi les pays émergents. "Notre objectif, c'est de parvenir d'ici à 2020 à un doublement du PIB par an et par habitant, de le porter à 2 500 dollars. Cela est parfaitement possible. Il faut que rapidement nous ayons une croissance à deux chiffres. […] Dès cette année, malgré la crise mondiale, nous espérons une croissance de 8 à 9 %," a indiqué le chef de l’État dans un article publié dans le journal "Le Monde", mercredi 24 janvier. Pour ce faire, Alassane Ouattara entend développer en priorité les infrastructures, la capacité de production d’électricité et le secteur agricole.
Alassane Ouattara au siège du Medef
Au-delà de la signature d’un nouvel accord de défense, le président ivoirien compte bien rapporter quelques contrats français dans ses bagages. Venu en délégation avec une cinquantaine de personnes parmi lesquelles des hommes d’affaires ivoiriens, Alassane Ouattara a voulu avant tout lancer un appel aux entreprises françaises pour les inciter à accélérer leur retour en Côte d'Ivoire. Un appel qui a été largement entendu au siège du Medef (Mouvement des entreprises de France) qui a invité le président ivoirien à rencontrer, vendredi 27 janvier, au moins 300 entrepreneurs français, de tous secteurs confondus. Une occasion pour les chefs d’entreprise des secteurs du BTP, de la banque, de l’industrie pharmaceutique, de la sécurité ou encore du tourisme d’interroger Alassane Ouattara au cours d’un échange de questions/ réponses. À l’issue de la rencontre, les investisseurs français participeront à des ateliers thématiques en fonction de leur secteur d’activité pour mieux comprendre les enjeux économiques du commerce franco-ivoirien. "’C'est un événement vraiment considérable pour nous au Medef", rapporte Isabelle Mariano, directrice adjointe du service de presse du Medef, à FRANCE 24.
Le retour des investisseurs français toujours attendu
Les chefs d’entreprise de l’Hexagone, échaudés sous l’ère de l'ancien dirigeant Laurent Gbagbo, semblent prêts à repartir en Côte d’Ivoire, même si les initiatives françaises restent encore trop timides au goût d’Alassane Ouattara. "Les entreprises des autres pays reviennent au galop, pas les sociétés françaises et je le regrette. La crise post-électorale est derrière nous. Sur un certain nombre de grands projets, les entreprises françaises ne sont souvent pas les premières à se manifester", a-t-il déploré dans cet article du "Monde".
Christian Bouquet, professeur de géographie politique et du développement à l’Université Michel-de-Montaigne (Bordeaux III) se veut plus optimiste. Il explique à FRANCE 24 que "l’orthodoxie et la transparence qui ont été remises à l’ordre du jour dans les différentes filières du pétrole et du cacao inspirent de nouveau confiance aux investisseurs." Des négociations sont actuellement en cours entre le gouvernement ivoirien d’une part, et le pétrolier Total et le groupe hôtelier Accor de l’autre. La négociation d’un partenariat entre Air France et Air Côte d’Ivoire est également bien avancée.
Dans les entretiens qu’il a accordés à la presse au cours de sa visite à Paris, Alassane Ouattara déclare volontiers vouloir faire de la France son partenaire économique privilégié. Le chef de l'État ne souhaite pas pour autant s’enfermer dans une relation exclusive. La dette contractée par la Côte d’Ivoire auprès de la France oblige le pays à transformer ses créances en investissement français, mais la diplomatie ivoirienne ne néglige pas pour autant le reste de la scène économique internationale. Le chef de la diplomatie chinoise Yiang Jiechi et la secrétaire d’État Hillary Clinton se sont d’ailleurs rendues récemment à Abidjan.
Si les relations économiques franco-ivoiriennes semblent être au beau fixe, Christian Bouquet rappelle toutefois qu’il ne faut pas négliger le volet social. "Des centaines de milliers de jeunes ivoiriens attendent beaucoup du nouveau pouvoir. Il faudra être attentif à la répartition des richesses". Le développement économique devra aller de pair avec le développement social, alors que le climat de paix demeure très fragile.