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Le gouvernement français veut instaurer la TVA sociale avant l’élection présidentielle d'avril prochain. Une mesure censée améliorer, aux yeux de ses partisans, la compétitivité des entreprises. Mais ses détracteurs ne la jugent ni juste ni sociale.

Le ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, en parle comme d’une “TVA anti-délocalisation”, tandis que sa collègue du Budget, Valérie Pécresse, préfère même ne pas la nommer lorsqu’elle souligne la nécessité de “réduire les charges patronales et salariales” tout en augmentant la TVA. Ses détracteurs, eux, n’hésitent pas à la fustiger pour son caractère "inégalitaire". Elle, c'est la TVA sociale que le gouvernement veut mettre en place avant l’élection présidentielle d'avril.

Quelque soit le nom donné à cette future mesure souhaitée par le président Nicolas Sarkozy lors de ses vœux aux Français le 31 décembre, elle tient le haut du pavé médiatique ces derniers jours. Pourtant, comme l’a rappelé le 29 décembre, le ministre de l’Économie, François Baroin, les modalités de cette “action pour doper la croissance” n’ont pas encore été fixée. A l'issue du sommet social du 18 janvier, il a été décidé de ne rien décidé de précis sauf que les détails de cette mesure seraient fixé avant l'élection présidentielle de 2012 . Pour l'heure, on sait simplement que, dans son principe, cette mesure vise à augmenter la TVA afin de financer une baisse des charges qui pèsent sur les entreprises pour les rendre plus compétitives. En attendant d’en connaître tous les tenants et les aboutissants, ses partisans et ses détracteurs affûtent leurs arguments.

Les arguments en faveur
Ceux qui sont en faveur de la proposition présidentielle regrettent surtout son appellation. Normal : lorsqu’en 2007, le gouvernement avait voulu une première fois mettre en pratique la TVA sociale, une forte hostilité l’avait obligé à reporter le projet. À l'heure où le dossier refait surface, il n’est pas question de ressortir la même terminologie. “Je préfère parler de TVA pour l’emploi”, explique ainsi à FRANCE 24 Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), en charge des questions sociales. Pour sa part, Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGE, seule centrale syndicale en faveur de la mesure, la considère comme une “cotisation sociale sur la consommation”.

Pour ses partisans, il s’agit à la fois de relancer l’emploi et de protéger le modèle social français. “Avec moins de charges, les entreprises françaises vont être plus compétitives par rapport à leurs concurrentes étrangères, elles vont donc gagner des nouveaux marchés et pourront ainsi recruter”, espère Geneviève Roy.

Outre l’emploi, c’est également “la protection sociale à la française” qui est en jeu, juge Bernard Van Craeynest. “Pour l’instant, les entreprises financent la protection sociale mais avec la crise actuelle, la masse salariale augmente peu alors que les dépenses sociales continuent à progresser et il faut donc trouver d’autres rentrées fiscales”, explique le syndicaliste.

Mais même ceux qui soutiennent le projet dans son principe regrettent le calendrier gouvernemental de sa mise en place, qui risque, à leurs yeux, d’en ruiner les vertus. “C’est une question qui mérite un grand débat dans le cadre d’une réforme fiscale plus globale et ne devrait pas être jetée en pâture en plein milieu d’une campagne présidentielle”, regrette Bernard Van Craeynest, qui craint qu’il ne s’agisse que d’un “coup politique”.

Les arguments contre
Pour Bernard Thibault, patron de la CGT, c’est l’”arnaque de ce début d’année”, tandis que le candidat socialiste à l’élection présidentielle, François Hollande, la qualifie de “mystification sociale” qui aura des “conséquences graves sur la croissance".

Derrière le choc des mots, les opposants dénoncent une mesure dont le coût va “être supporté en premier lieu par les retraités et les chômeurs”, comme l’explique Éric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques. L’augmentation de la TVA sera en effet ressentie par tous tandis que seuls ceux qui ont un emploi verront leur salaire augmenter en raison de la baisse des charges sociales et patronales.

L’argument d’un gain de productivité des entreprises pour leur permettre d’embaucher n’est, en outre, valable qu’à plus ou moins long terme. “Il faudra attendre environ trois semestres avant que les entreprises engrangent de la TVA sociale”, assure Éric Heyer, pour qui “en attendant seuls les effets négatifs se feront ressentir”.

Le principal inconvénient sera une augmentation immédiate des prix due à la hausse de la TVA. Une hausse qui touchera, en premier lieu, les produits importés car “les entreprises françaises pourront choisir de répercuter la baisse de leurs charges sur le prix de vente de leurs produits, ce que les entreprises étrangères ne pourront pas faire”, explique Éric Heyer.

Certes, cette mesure rendra les produits “made in France” plus concurrentiels, et participera ainsi à la lutte contre les délocalisations chère au gouvernement. Reste que les victimes de cette politique ne seront pas forcément celles qu’on croit. En effet, “ce n’est pas en augmentant la TVA de quelques points qu’on va réussir à concurrencer la Chine ou d’autres pays à faible coût de main d’œuvre”, assure Éric Heyer. Pour lui, ce sont les exportations des autres pays européens où les coûts du travail sont similaires, qui vont être les premières à pâtir de la TVA sociale française. “Ce sont donc les Allemands, les Espagnols ou encore les Grecs qui vont payer pour que nous puissions préserver notre modèle social”, dénonce Éric Heyer. Pas sûr que dans ce contexte de  crise de la zone euro, où les gouvernements appellent à plus de solidarité européenne, ces États apprécient que la France pénalise ainsi leurs exportations.