
C’est sous une pluie d’insultes que Silvio Berlusconi a démissionné de son poste de président du Conseil, samedi. Comble de l’humiliation pour ce trublion de la politique, il a dû quitter le Palais présidentiel par une porte dérobée...
"Mafieux", "bouffon", "menteur"... Fin de règne humiliante pour Silvio Berlusconi, qui a quitté vendredi soir le devant de la scène politique italienne, sous les huées d'une foule venue fêter sa reddition en trinquant.
La chute a été aussi sévère que ses sympathisants absents. Dans la capitale romaine, mais aussi à Milan (dont il est originaire), ce sont un concert de klaxons et un déferlement de cris de joie qui ont envahi les rues à l’annonce de son départ. "Les gens sont sortis, se sont embrassés, sont tombés dans les bras les uns des autres, ont pleuré de joie parfois", raconte Sonia Logre-Grezzi, correspondante de France 24 à Rome.
"Il n’a que ce qu’il mérite"
Agglutinés derrière les barrières de sécurité installées autour du Palais présidentiel, les Romains ont été nombreux à venir voir "l’animal politique" agonisant rendre son dernier souffle. Aucun n’a voulu manquer l’arrivée de l’ancien leader venu remettre sa démission à Giorgio Napolitano, le président de la République. "Beaucoup d’Italiens ne le supportaient plus et attendaient avec impatience sa démission. Alors, dès le début d’après-midi samedi, les Romains ont commencé à converger vers le Quirinal pour entendre la 'bonne nouvelle' de son départ", poursuit la correspondante de France 24 à Rome.
Vers 20h, les anti-Berlusconi se comptaient par plusieurs centaines aux alentours de la résidence présidentielle. "Je veux qu’il s’en aille dans la honte la plus totale", confie une jeune étudiante emmitouflée dans sa doudoune. "Il a détruit l’Italie, il n’a que ce qu’il mérite." Partout, les commentaires sont cinglants. "On s’en est enfin débarrassé", s’écrie une retraitée au micro de l’AFP. "Qu’il laisse maintenant l’Italie tranquille et qu’il aille se faire f****", renchérit un autre.
Berlusconi, "une anomalie politique"
Comble de l'humiliation, le Cavaliere - showman arrogant et provocateur - a dû quitter le Palais par une porte dérobée et sous les flashs des appareils photo.
"Des proches ont confié qu’il a avait été énormément peiné par cette hostilité", ajoute Sonia Logre-Grezzi, dont la voix est difficilement audible au milieu de la foule. Mais la complainte de l’ex-homme fort de Rome n’a ému personne. "Il n’a cessé de cultiver la haine", confie l’écrivain et journaliste italien Alberto Toscano au micro de BFM TV. "Aujourd’hui, il en paie le prix."
Peu de compassion donc, mais il faut dire que la "bête politique", dont le passage à la tête de la Péninsule fut régulièrement éclaboussé par des scandales sexuels et des affaires de corruption, était tombée en disgrâce ces dernières années. "Les Italiens n’en pouvaient plus de ses scandales, de son incompétence", explique Jean-Louis Fournel, historien de la pensée politique italienne à l’université Paris VIII, sur l’antenne de France 24, "Heureusement, il est parti. C’est la fin d’une anomalie politique."
Un avenir politique incertain, mais un agenda judiciaire bien rempli
Gare pourtant à ne pas l’enterrer trop vite. "La fin de Berlusconi n’est pas la fin du berlusconisme", remarque Jean-Louis Fournel. Une inquiétude partagée par Alberto Toscano. "Son départ ne signifie pas la fin de son influence dans le milieu politique du pays. Il gardera tout son poids dans le monde médiatique de la Péninsule", regrette l’écrivain. Lui reste-t-il pour autant un avenir politique ? "C’est une question en suspens à laquelle il est difficile de répondre", affirme de son côté Sonia Logre-Grezzi. "Il pourrait revenir, certes, mais il pourrait tout aussi bien partir à l’étranger ou reprendre la tête de son équipe de football, le Milan AC."
"On ne sait pas grand-chose, en fait", confesse la journaliste. Toutefois, une chose est sûre : son agenda judiciaire sera bien rempli. A terre politiquement, le Cavaliere devra désormais essayer de rester en selle face à la justice. Silvio Berlusconi est attendu devant les juges pour répondre de son implication dans l’affaire du Rubygate - dans laquelle il est accusé de prostitution de mineure - ou encore dans l’affaire David Mills - dans laquelle il est accusé de corruption de témoin. "Son image a été considérablement ternie", conclut la journaliste de France 24, "Ses légendaires soirées 'bunga bunga' et ses parties fines organisées ces derniers mois auront définitivement achevé de ruiner sa réputation."