Selon un rapport publié récemment par des experts de l’ONU, Asmara est une menace pour la stabilité de la Corne de l’Afrique : du soutien aux Shebab somaliens à l’encadrement des mouvements rebelles de la région, les sources d’inquiétude sont légion.
Le groupe de surveillance de l’ONU sur la Somalie et l’Érythrée a plus particulièrement étudié l’implication d’Asmara, la capitale érythréenne, dans la crise somalienne. Les experts onusiens accusent le gouvernement de continuer à apporter un appui militaire aux Shebab, le mouvement islamiste contrôlant une partie de la Somalie. Malgré la famine frappant cette région en proie à une sécheresse sans précédent, ces derniers continuent d’interdire l’accès à la plupart des ONG humanitaires. Alors que plus de 12 millions de personnes sont touchées par cette crise alimentaire.
Le Conseil de sécurité des Nations unies avait pourtant décrété, en janvier 1992, “un embargo général et complet sur toutes les livraisons d’armes et d’équipements militaires à la Somalie”. Depuis le vote de cette résolution, une série de sanctions de l’ONU ont été adoptées contre l’Érythrée en raison des multiples violations de ce texte et de son soutien répété aux mouvements rebelles de la région.
Encouragement aux insurgés somaliens
Les experts de l’ONU estiment que ces relations entre Asmara et les Shebab visent simplement "à légitimer et à encourager le mouvement islamiste" plutôt que de "freiner son orientation extrémiste" et de "l'amener à participer à un processus politique". Un soutien qui permet aujourd’hui encore aux rebelles somaliens de résister face aux attaques de la force africaine déployée en 2007 à Mongadiscio pour soutenir le gouvernement intérimaire de la Somalie.
Le jour de la publication de ce rapport, jeudi 28 juillet, une offensive lancée par les troupes de l’AMISOM [Mission de l’Union africaine en Somalie, NDLR] a tout de même réussi à déloger les Shebab d’un de leurs bastions dans la capitale somalienne. Des combats se sont poursuivis tout le week-end, jusqu’à l’assassinat, ce dimanche, d’un député somalien par des hommes armés. À l’issue de cette attaque, le chef d’état-major adjoint de l’armée somalienne s’est toutefois montré confiant. “Nous avons affaibli l’ennemi, a indiqué le colonel Abdikarin Dhegobadan à l'AFP. Nous avançons maintenant vers de nouvelles positions. Les combats vont se poursuivre et (…) nous allons bientôt reprendre le contrôle de toute la capitale.”
Des combats qui n’ont pas empêché le PAM (Programme alimentaire mondial) de poursuivre l’acheminement de l’aide humanitaire dans ce pays sévèrement affecté par la famine due à la pire sécheresse qu’a connue la Corne de l’Afrique depuis 60 ans.
Menace pour toute la Corne de l’Afrique
Asmara, selon les experts de l’ONU, ne se contente pas de soutenir les rebelles somaliens, elle “déstabilise [également] ses voisins”. Le rapport révèle que le gouvernement érythréen “a conçu, préparé, organisé et dirigé une tentative de sabotage du Sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba [au mois de janvier 2011, NDLR] en fomentant des attentats à la bombe contre un certain nombre d'objectifs civils et gouvernementaux – sans toutefois réussir.”
Pourtant, les deux pays (l’Éthiopie et l’Érythrée) ne sont officiellement plus en guerre depuis la signature, en 2000, des accords d’Alger qui devaient mettre fin à leur différend frontalier (1998 - 2000). Mais ce litige qui les oppose n’est pas réglé, en dépit de l’arbitrage de l’ONU. L’Éthiopie a toujours refusé d’obtempérer sur le tracé de la frontière. Si les experts onusiens reconnaissent à l’Érythrée le droit d’exiger de son voisin l’application de cette décision internationale, ils considèrent néanmoins que le recours à des attentats dépasse “la norme pour ce qui est de la proportionnalité et de la raison”, selon les termes employés dans le rapport.
Ceux que les observateurs considèrent comme des frères ennemis n’ont jamais baissé les armes. Ils continuent de s’affronter par combattants interposés sur le territoire somalien, l’un appuyant le gouvernement de transition de la Somalie, et l’autre les insurgés islamistes du Shebab.
Dans ce même rapport, les experts indiquent également que “les services de renseignement et des unités d'opérations spéciales de l’Érythrée entraînent, financent et apportent un soutien logistique à des groupes d’opposition armés à Djibouti, en Éthiopie, au Soudan, voire en Ouganda, en violation de la résolution 1907 du Conseil de sécurité [adoptée en 2009, NDLR]”. Une menace de plus pesant sur une région frappée par la famine.