Après avoir abaissé de quatre crans la note du Portugal, l’agence de notation Moody’s a évoqué mardi soir l’éventualité d’un deuxième plan de soutien à Lisbonne. Une trajectoire qui rappelle celle de la Grèce. À raison ?
Mardi soir, Moody’s a abaissé de quatre crans la note du Portugal. L’agence de notation
a estimé que Lisbonne ne pourrait probablement pas honorer ses promesses de réduction des déficits. Conséquence directe : le Portugal va avoir de plus en plus de mal à trouver de l’argent sur les marchés financiers. Dans ces conditions, Moody’s évoque le spectre d’un deuxième plan de sauvetage européen, après celui de 78 milliards d'euros débloqué en mai 2011 comme seule solution.
La situation du Portugal rappelle la trajectoire grecque. Athènes doit en effet bénéficier d’un deuxième plan de soutien de l’Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI). Sabine Le Bayon, économiste spécialiste de la zone euro à l’Observatoire français des conjonctures économique (OFCE), analyse pour France 24 la pertinence du parallèle entre les deux pays.
France 24 : Le Portugal est-il condamné à suivre la "trajectoire grecque" ?
Sabine Le Bayon : Il y a un même mécanisme à l’œuvre dans les deux pays. Après le premier plan de soutien international, le Portugal, à l'instar de la Grèce, a dû instaurer une cure d’austérité afin d’améliorer ses finances publiques. Mais ces mesures plongent, au moins, le pays dans la récession pour les deux prochaines années. Sans croissance, les objectifs de réduction des déficits sont difficiles à atteindre, car le pays ne génère pas assez de rentrées fiscales.
C’est donc un même cercle vicieux au Portugal et en Grèce : la rigueur imposée par l’UE et le FMI, en échange de leur soutien financier, met à mal les efforts demandés aux deux États pour réduire leur déficit. Du coup, ils rencontrent davantage de difficulté à trouver de l’argent sur des marchés financiers, ces derniers leur faisant de moins en moins confiance.
F24 : Pourtant, la situation du Portugal n’est pas aussi détériorée qu’en Grèce...
S. Le B. : Exact ! Le déficit du Portugal s’élève à 93% du PIB alors qu’en Grèce il est de 144%. On pourrait donc penser que Lisbonne ne devrait pas avoir à subir le même sort qu’Athènes.
Mais cette différence importe peu. Seul l’avis des marchés compte. S’ils se détournent d’un pays, ce dernier n’a plus de moyen de se financer et il lui est donc beaucoup plus difficile d’honorer ses dettes. Dans cette situation, le Portugal - comme la Grèce - est soumis au bon vouloir des investisseurs, qui agissent en fonction des évaluations émises par les agences de notation.
F24 : Dans ces conditions, est-ce que la question d’une éventuelle restructuration de la dette portugaise, comme évoqué pour la Grèce, se pose ?
S. Le B. : On n’en est pas à ce stade. Mais comme la dynamique à l’œuvre dans les deux pays semble similaire, c’est une question qui pourrait se poser prochainement.
F24 : L’autre élément qui semble rapprocher les deux pays est le rôle tenu par les agences de notation…
S. Le B. : Oui, dans les deux cas, il y a un effet de dramatisation de la situation après l’intervention des agences. Une baisse de quatre crans, comme celle décidée par Moody’s pour le Portugal, c’est énorme. Ces
agences que l’on a accusées de laxisme lors du déclenchement de la crise économique cherchent, avec la crise de la zone euro, à prouver qu’elles peuvent être plus dures. Mais elles alimentent surtout les problèmes de financement rencontrés par le Portugal et la Grèce.