, envoyé spécial au Caire – Au septième jour des protestations contre le régime de Moubarak, les commerçants cairotes doivent faire face à la raréfaction d'une clientèle exclusivement en quête de produits de première nécessité. Reportage au cœur de la capitale égyptienne.
Échoppes, cafés, marchands de tissus, boutiques de prêt-à-porter, cordonniers... Au septième jour du mouvement de contestation qui agite l’Égypte, les petits commerçants du Caire ont levé le rideau et guettent les clients. Mais après une semaine de protestations, l’activité tourne au ralenti dans la rue Boulaq, au cœur de la capitale.
D’ordinaire, cette voie, qui compte un commerce par immeuble, est très animée. "À midi, en général, cette rue est noire de monde. Aujourd’hui, il manque 80 % des clients", explique Ali, un jeune vendeur de vêtements. Aujourd’hui, il n’a réussi à vendre qu’une chemise. Sa boutique, nichée dans une cage d’escalier, regorge pourtant d’articles en tout genre.
Ali n’avait pas ouvert son échoppe depuis la première manifestation contre Hosni Moubarak, le 25 janvier. "Les événements de la semaine dernière ont considérablement compliqué mes affaires. Ma boutique est restée fermée jusqu’à aujourd’hui". Une perte significative pour le petit commerçant. Ce lundi, à la mi-journée, Ali fait les comptes : seulement 20 livres de recettes. "Je gagne d’habitude 200 livres par jour [25 euros]", regrette-t-il.
Des commerces sous surveillance
Le couvre-feu, imposé par les autorités à partir de 16 heures, n’arrange pas sa situation. "Je vais fermer mon magasin plus tôt que d’habitude, je ne veux pas prendre de risque. Ma marchandise vaut cher, je dois la protéger si la situation dérape", affirme le boutiquier, qui se dit toutefois favorable aux revendications des manifestants.
La rue Boulaq n’a pas encore fait l'objet de pillages : ses commerçants se relayent tout au long de la nuit pour surveiller, aux côtés de milices citoyennes armées, les allées et les venues suspectes. "On est las de travailler le jour et de surveiller le quartier la nuit. Mais, Dieu merci, il ne s’est rien passé de grave ici", déclare Hussein, un vendeur de jouets. À l’intérieur de son magasin poussiéreux, il cache deux barres de fer. "Au cas où…"
Priorité à la nourriture
Plus loin, un marchand de tissus copte attend le chaland sur une chaise délabrée. Pas un chat à l’horizon. "Je ne me plains pas, il y a malgré tout de l’activité même si elle est plus faible que d’habitude", philosophe Boutros. Son livreur édenté, Mohamed, attend désespérément une course depuis ce matin. "Cette situation n’est pas bonne pour le commerce, en général. La population préfère rester prudente et ne payer que pour manger", constate-t-il.
Les mères de famille qui déambulent dans cette longue rue commerçante portent presque exclusivement des sachets contenants des produits alimentaires. Magdi, le boucher septuagénaire du quartier, affiche un large sourire. Ses deux fils s’emploient à dépecer des carcasses de bœufs à même le trottoir. Et les clientes sont au rendez-vous. "Ma boucherie est restée ouverte depuis le début des manifestations, je n’ai aucun problème pour me fournir", explique-t-il tout en caressant sa cassette.
Favorable à Moubarak, il est persuadé que cette "petite révolte" touche à sa fin. "L’Égypte n’est pas la Tunisie, le président ne partira pas. D’ailleurs, quelque soit le personnage qui lui succédera, rien ne garantit qu’il sera mieux", conclut-il avant de se lever pour réceptionner une cage contenant une dizaine de poules.