
Les chrétiens d'Orient ont été frappés une nouvelle fois dans la nuit de vendredi à samedi par un nouvel attentat à Alexandrie en Égypte (21 morts). Gros plan sur une communauté menacée.
Si la tension reste vive en Égypte deux jours après l'attentat qui a coûté la vie à 21 personnes devant une église copte d'Alexandrie, et en Irak où la situation est très alarmante, les chrétiens d’Orient ne partagent pas le même sort dans cette région tourmentée de la planète. Panorama de la situation de ces communautés, présentes dans la grande majorité de ces pays depuis les premiers temps du christianisme, avec les remarques de René Guitton, expert de l'Alliance des civilisations des Nations unies et auteur du livre "Ces Chrétiens qu'on assassine" (Flammarion).
- Égypte
Les chrétiens d’Égypte représentent environ 10% de la population du pays, soit 8 à 10 millions de coptes. Il s’agit de la communauté chrétienne la plus importante de la région. "Ces chiffres sont annoncés par les coptes eux-mêmes, en se basant notamment sur les registres de baptême, ce qui permet d’englober ceux qui sont déjà partis. Par conséquent ils sont beaucoup moins nombreux". Cette population, visée par plusieurs attentats depuis quelques années, s’estime tenue à l'écart des cercles du pouvoir et des institutions officielles. Ainsi, seuls trois élus coptes représentent la communauté au sein de l’Assemblée nationale qui compte 508 sièges. Par ailleurs, même s’ils jouissent de la liberté de culte, les coptes doivent obtenir une autorisation des autorités pour construire ou restaurer une église.
- Irak
Les chrétiens représentent moins de 3% de la population, soit 600 000 chrétiens dont 400 000 catholiques chaldéens et syriaques. Leur situation s’est compliquée depuis la chute du dictateur Saddam Hussein en 2003. Ce dernier avait nommé au poste de vice-Premier ministre le chrétien Tarek Aziz, un de ses plus proches conseillers. "La situation des chrétiens d’Irak est très alarmante et leur présence est menacée par la multiplication des attentats dont ils sont la cible. Ceux qui n’ont pas encore migré vers l’Occident, partent en direction du Kurdistan".
- Iran
La république islamique abrite 135 000 chrétiens dont 20 000 catholiques principalement chaldéens, soit moins de 0,3% de la population. "La communauté chrétienne d’Iran est très minoritaire et ne revendique aucun rôle politique. Elle est de fait acceptée, à l’instar de la petite communauté juive".
- Israël
Situation démographique des chrétiens d'Orient
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Près de 150 000 chrétiens, principalement latins et grec-melkites vivent en Israël (2% de la population). Ces citoyens, des arabes israéliens, bénéficient de la nationalité israélienne mais n’ont aucun poids politique. "Même si leur situation n’est pas comparable à celle qui prévaut dans les territoires palestiniens, ils restent aux yeux de certains en Israël, des arabes. Ils sont en réalité une minorité dans la minorité en Israël, et surtout à Jérusalem, où ils sont implicitement poussés hors de la ville par l’intensification de la présence juive".
- Jordanie
Moins de 6% de la population, soit 350 000 chrétiens dont 120 000 catholiques : maronites, grec-melkites, chaldéens et latins. Depuis 2003, date de l’invasion de l’Irak, la Jordanie a accueilli un nombre important de réfugiés irakiens toutes confessions confondues, dont beaucoup de chrétiens. "La communauté chrétienne ne jouit pas de pouvoir politique en Jordanie mais elle est protégée par la monarchie hachémite".
- Liban
Un peu moins de 40% de la population, soit 1,5 million de chrétiens principalement maronites. Le pays du Cèdre abrite 18 communautés religieuses dont 13 sont chrétiennes (melkites, orthodoxes, grec-catholiques, etc.) Loin de se contenter d’une simple présence, la communauté se distingue dans la région notamment par le rôle politique qu’elle joue. Le président du pays est traditionnellement membre de la communauté maronite tandis que les sièges du Parlement libanais sont équitablement distribués entre chrétiens et musulmans. Le gouvernement et les postes de hauts fonctionnaires sont également répartis selon un partage confessionnel. La crise économique et les tensions politiques poussent néanmoins chaque année plusieurs milliers de chrétiens à quitter le pays.
- Pays du Golfe
Cette région du monde compte quelque 3,5 millions de chrétiens de différentes églises, majoritairement des immigrés asiatiques, des chrétiens d’Orient ou des Occidentaux catholiques. Le droit de pratiquer leur culte est reconnu dans ces monarchies sauf en Arabie saoudite, terre sainte de l’islam, qui interdit toute autre pratique religieuse que celle du Prophète Mahomet. La nature des régimes en place et l’absence de chrétiens autochtones excluent la communauté de facto de la vie politique.
- Territoires palestiniens
Moins de 2% de la population, soit 60 000 chrétiens, principalement latins et grec-melkites. "Dans ces régions, il existe une vision islamiste qui fait un amalgame associant les chrétiens d’Orient à l’Occident, et donc par raccourci aux croisés et depuis les années 2000 aux envahisseurs américains". Contraints à l’exil par un harcèlement insidieux d’ordre économique, notamment immobilier, ces chrétiens rejoignent la diaspora palestinienne comme par exemple celle des États-Unis. "Cette population qui a énormément diminué, risque de disparaître des terres où est né le christianisme".
- Syrie
Environ 4,5% de la population, soit moins d’un million de chrétiens, syriaques, grec-melkites, maronites, chaldéens, arméniens. "La situation de ces chrétiens est relativement bonne et leur liberté de culte est garantie par la nature laïque du régime syrien. Bachar al-Assad a tout intérêt à protéger la communauté chrétienne puisqu’il est issu lui-même d’une communauté minoritaire, alaouite, dont le rite est dérivé du chiisme", explique René Guitton.
- Turquie
Environ 0,1% de la population, soit 80 000 chrétiens dont 10 000 catholiques arméniens et chaldéens. La Turquie comptait 20% de chrétiens vers 1900. "Le génocide arménien (1915), des massacres et des conflits qui ont jalonné l’histoire du XXe siècle ont contribué à l’effondrement du nombre de chrétiens en Turquie. Encore aujourd’hui, le citoyen arménien est considéré comme un citoyen de seconde zone dans ce pays".