
L'exposition Gaza 2010 proposée dans les locaux du Musée d'art moderne de la Ville de Paris a rouvert mardi, deux jours après que l'irruption de militants pro-israéliens dans les locaux avait entraîné sa fermeture.
Le musée d'Art moderne de la Ville de Paris a décidé de rouvrir les portes de l'exposition Gaza 2010 mardi. La décision de suspendre l'accès aux clichés du photographe allemand Kai Wiedenhöfer avait été prise dimanche après qu'un groupe d'une vingtaine de personnes s'est rendu au musée pour manifester contre les œuvres exposées, à l'appel du site web drzz.fr, et de deux organisations pro-israéliennes, le collectif Europe-Israël et la Ligue de défense juive (LDJ).
Guerre des images
La polémique est lancée le 15 novembre, avec le communiqué du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), accusant le photographe de se "focaliser contre Israël" par "militantisme politique".
Dimanche, en début d'après-midi, des militants pro-israéliens ont pénétré dans les deux salles de l'exposition, reprenant les arguments du Crif, selon lesquels les photos de Wiedenhöfer servent la "propagande pro-Hamas".
"Quand vous voyez cette exposition, vous en ressortez en ayant la haine. Des blessés, il y en a des deux côtés, palestinien et aussi israélien", explique Amnon Cohen, un des responsables de l'action de la LDJ, joint au téléphone par France24.com. Pour faire mentir les photos de mutilés de la bande de Gaza, les militants de la LDJ ont distribué des clichés de Palestiniens jouissant d'une vie ensoleillée et prospère.
La direction du Musée d'art moderne n'a pas souhaité commenter l'incident. Aucune œuvre n'a été dégradée, ni aucune personne blessée.
Selon Nicolas Shahshahani, membre de l'organisation Europalestine, qui n'était pas sur les lieux mais cite des témoignages, "les militants étaient en partie cagoulés, portaient des drapeaux israéliens et distribuaient des tracts. Ils étaient à deux doigts de se livrer à des dégradations. Les agents de sécurité les ont virés, et ils ont alors obstrué l'entrée du musée."
Un récit que réfute le représentant de la LDJ, qui affirme que le groupe est sorti de son propre chef, et n'a montré aucun signe d'agressivité. "Sauf quand l'un de nous s'est fait insulter par un vigile, aux cris de 'retourne dans ton pays, retourne en Israël !'"
Le groupe a alors vivement protesté et exigé des excuses. "Nous avons appelé la police et étions prêts à engager une procédure contre le musée pour propos racistes", poursuit Amnon Cohen. Selon lui, le vigile s'est excusé et les choses sont rentrées dans l'ordre. Entre-temps, les salles de Gaza 2010 ont tout de même fermé pendant deux heures.
La direction du Musée, embarrassée par cette affaire, a fait appel à la préfecture de police de Paris pour avoir du renfort policier dans les salles. C'est à ce prix qu'elle a décidé de rouvrir ses portes ce mardi. Dès l'ouverture, des militants d'Europalestine avaient donné rendez-vous au musée, "pour s'assurer que l'exposition reprenait bel et bien son cours", selon Nicolas Shahshahani.
"M'accuser d'être pro-Hamas ?"
Informé par France24.com de l'incident, le photographe Kai Wiedenhöfer, qui se trouve actuellement dans les territoires palestiniens, s'étonne : "M'accuser d'être pro-Hamas ? Mais le Hamas a plutôt cherché à m'empêcher de travailler ! Ils n'aiment pas que l'on puisse rendre compte du mécontentement des habitants de Gaza à leur sujet. D'ailleurs, l'une de ces photos montre une femme qui a perdu une jambe : elle a été victime d'une brouille avec le Hamas, justement."
Le photographe défend son parti pris de ne pas montrer de victimes israéliennes. "Le nombre de victimes palestiniennes par rapport aux victimes israéliennes lors de l'opération Plomb durci (2008-2009) est tout à fait disproportionné", rappelle-t-il.
Le travail du photo-reporter a été financé par la Fondation Carmignac Gestion, qui offre chaque année une bourse de 50 000 euros à un photographe travaillant sur un thème précis. En 2009, c'était Gaza.
"Nous voulions aider le travail d'un photo-journaliste qui travaille dans ce territoire palestinien, une fois l'opération militaire israélienne finie, et alors que tous les médias étaient passés à autre chose, explique Agnès Séverin, directrice de la communication de la Fondation. Nous défendons des valeurs de témoignage humaniste et de liberté d'expression. Nous sommes en conséquence très choqués de ce qui s'est passé dimanche."
Pour 2010, le thème du prix de photo-journalisme de la Fondation est le "Pachtounistan", zone à cheval entre l'Afghanistan et le Pakistan. Pas sûr que l'exposition suscite une telle controverse.