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Deux jeunes électrocutés en 2005 : Deux policiers renvoyés en correctionnelle

Les deux policiers impliqués dans la course-poursuite qui s'était soldée par la mort de deux jeunes à Clichy-sous-Bois, en 2005, ont été renvoyés devant un tribunal correctionnel. Après le drame, des émeutes avaient enflammé les banlieues françaises.

Les deux policiers devraient être jugés pour "non-assistance à personne en danger", après la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne, en 2005. Vendredi, les juges d’instruction ont décidé de les renvoyer devant un tribunal correctionnel. En septembre, le parquet de Bobigny avait pourtant estimé qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes contre les deux fonctionnaires et avait requis un non-lieu.

Jean-Pierre Mignard, l’un des avocats des familles des deux victimes, Zyed et Bouna, a salué la décision de renvoyer les deux policiers en correctionnelle. "C’est donc après cinq années la fin d’une première et longue séquence, trop longue séquence", a-t-il déclaré sur RTL. "Enfin le tribunal correctionnel sera saisi, enfin le débat public aura lieu, enfin nous pourrons complètement savoir".

"Pas de malaise entre magistrats et policiers"

"Je travaille toute la journée avec des policiers et ça se passe très bien, il n’y a aucun malaise", affirme le procureur Benoist Hurel, secrétaire général adjoint du syndicat de la magistrature. Pourtant ces derniers mois, les syndicats de police ont multiplié les critiques à l’égard des magistrats. Début septembre, le braqueur présumé du Casino d’Uriage (Isère) a été remis en liberté, puis en octobre, deux fonctionnaires de police ont été mis en examen dans le cadre de l’enquête sur la mort de deux adolescents à Villiers-le-Bel en 2007.
 

Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, étaient morts, électrocutés dans un transformateur EDF alors qu’ils essayaient d’échapper à un contrôle de police. Un troisième adolescent, également réfugié dans le transformateur, avait été grièvement blessé. L’évènement avait mis le feu à Clichy-sous-Bois et marqué le début de trois semaines d’émeutes dans les banlieues françaises.

Les juges d’instruction, Claire d’Urso et Marc Sommener, ont estimé que les policiers - une stagiaire qui était au standard et un policier sur place - "ne pouvaient pas ignorer que les deux adolescents courraient un danger", en pénétrant sur le site d’EDF. Sur un enregistrement des conversations saisi au cours de l’enquête, un troisième fonctionnaire de police déclare "En même temps, s’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau". Les deux policiers poursuivis ont admis avoir entendu ces mots. Dans un rapport rendu public en 2009, la "police des polices" a dénoncé leur "légèreté", sans pour autant demander leur suspension.

Les syndicats de police dénoncent des pressions

À l’annonce du renvoi de leurs collègues en correctionnel, les syndicats de police ont immédiatement dénoncé des "pressions". "C’est une décision rare, dans l’air du temps", a commenté Thierry Mazé, secrétaire national du syndicat de police Alliance, faisant allusion au policier mis en examen en début de semaine dans l’enquête sur la mort de deux jeunes à Villiers-le-Bel en 2007, dans la collision entre leur moto et une voiture de police.

Le secrétaire général du syndicat majoritaire Unité police SGP-FO, Nicolas Comte, a souligné la "concomitance des dates". "On cherche un bouc émissaire face à une situation sociale très compliquée", a-t-il estimé. "J’ai l’impression qu’on veut céder à une certaine opinion publique, à un moment donné". À l’approche du cinquième anniversaire de la mort des deux adolescents, les autorités redoutent de nouveaux incidents dans les cités de banlieue.

Ces accusations provoquent un rire amer dans la bouche de Benoist Hurel, secrétaire général adjoint du Syndicat de la magistrature. "Des syndicats de police ne supportent pas que des policiers soient mis en cause par une justice indépendante", affirme-t-il, soulignant la fréquence de telles attaques de la part des syndicats de police. "Il y a, d’un côté, un parquet dépendant du pouvoir exécutif, et de l’autre deux juges d’instruction statutairement indépendants. Entre les deux, ce sont bel et bien les juges d’instruction qui offrent le plus de garantie d’indépendance".

Le procès des deux policiers ne devrait pas avoir lieu avant l’année prochaine.