
S’il a toujours la cote auprès des internautes français, Google irrite certains responsables politiques qui voudraient que le richissime géant américain soit davantage taxé. Un différend qu’est venu régler le PDG de Google, reçu ce jeudi à l’Élysée.
Google et la France, une relation spéciale et paradoxale. Plébiscitée par les internautes français, qui l’utilisent pour plus de 90 % de leurs recherches sur Internet, la multinationale basée en Californie fait depuis quelques mois l’objet de critiques de la part de responsables politiques.
Il est reproché au géant de l’Internet de ne pas payer suffisamment d’impôts en France. Principalement taxées au États-Unis, où se trouve son siège, ses activités ne rapporteraient pas assez au Trésor public français. Comme beaucoup d’entreprises américaines, son principal siège européen se trouve en Irlande, qui bénéficie d’un régime fiscal attractif - même si l’entreprise possède aussi des locaux en France, où travaillent environ 200 employés.
"Toutes les entreprises Internet qui ont une présence matérielle en France paient l’impôt sur les sociétés et sont imposables à hauteur des bénéfices réalisés dans le pays", rappelle l’avocate fiscaliste Marylène Bonny-Grandil. Contactée par France24, elle assure qu’il est en revanche bien difficile de chiffrer le pourcentage des revenus que Google génère en France. "Google déclare un certain montant au fisc, l’impôt sur les sociétés étant déclaratif. C’est ensuite à l’administration fiscale de juger si ce montant est conforme au revenus générés."
"Taxe Google"
Ces revenus déclarés en France, nombreux sont ceux à les trouver dérisoires à la vue des fortunes amassées par la société américaine. Pour combler ce manque à gagner, une commission a été créée par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, afin de réfléchir au développement de "l’offre culturelle en ligne". Les experts ont rendu, en janvier, un rapport aux conclusions pour le moins audacieuses : ils prônent le lancement d’une taxe comprise entre 1 et 2 % pour la publicité sur le Web.
Un avis qui a créé un mini-incident diplomatique entre Paris et Moutain View, la ville de Californie où se trouve le siège de Google, d’autant que Nicolas Sarkozy a aussitôt applaudi les conclusions dudit rapport.
"Ces entreprises sont taxées dans le pays siège alors qu'elles ponctionnent une part importante de notre marché publicitaire. Cette fuite en matière fiscale est particulièrement dommageable et altère le jeu de la concurrence", avait-il estimé lors de la présentation de ses vœux au monde de la culture.
S’il ne cite personne, le rapport vise directement le géant californien. Depuis, la disposition concernant la publicité en ligne a été largement popularisée sous le nom de "taxe Google".
Cependant, "d’un point de vue purement fiscal, une telle taxe serait très difficile à mettre en place", tempère Mylène Bonny-Grandil. "Basé sur les revenus publicitaires, cet impôt s’apparenterait à une taxe sur le chiffre d’affaire. Or, au sein de l’UE, on ne peut pas créer une telle taxe sans l’accord de tous les pays."
Le PDG de Google reçu par Sarkozy
Les conclusions de la commission viseraient surtout, selon l’avocate, à créer "un effet d’annonce pour mettre ce problème sur la table". Le rapporteur de la commission, M. Zelnik, a d’ailleurs lui-même conseillé d’attendre l’avis des autres pays de l’UE "pour vérifier si c'est juridiquement et techniquement possible"…
Afin d’apaiser les relations avec Paris, le PDG de Google a profité d’un séjour en Allemagne pour faire une étape dans la capitale française. Eric Schmidt a ainsi été reçu par Nicolas Sarkozy ce jeudi, avant de donner une conférence privée à des étudiants de Sciences Po. Soucieux de prouver que Google peut contribuer au développement économique d’un pays "autrement qu’en payant des impôts", il a réservé une bonne surprise au chef de l’État français : l’annonce de l’ouverture d'un nouveau centre de recherche et développement, à Paris.
Au siège parisien de Google, on présente cette nouvelle comme une preuve que la France est un "pays qui compte". À Moutain View, on sait désormais que la France est aussi un pays qui sait compter.