Pour Amnesty International, la diffusion des confessions de cette Iranienne de 43 ans condamnée à la lapidation pour adultère n'est rien d'autre qu'une manœuvre des autorités pour prendre leurs distances avec l'affaire en parvenant à leurs fins.
En 2006, sa condamnation à la lapidation avait soulevé un concert de protestations dans le monde et en Iran. Finalement, Sakineh Mohammadi-Ashtiani, une Iranienne de 43 ans emprisonnée depuis quatre ans pour adultère, pourrait éviter cette mort horrible… pour être exécutée par pendaison. Telle est la crainte d’Amnesty International après son étrange interview diffusée mercredi soir par la télévision d’État iranienne. Jointe à Londres par téléphone, Hassiba Hadj Sahraoui, qui est en charge du programme Moyen-Orient de l'ONG, livre sa lecture de la stratégie de Téhéran dans l’affaire Ashtiani.
France24.com : Comment interprétez-vous cette confession ?
Hassiba Hadj Sahraoui : Sur la forme, il semble évident que ces aveux sont forcés, que cette interview n’était pas librement consentie. D’ailleurs, l'avocat de Sakineh Mohammadi-Ashtiani n’en était même pas au courant. En outre, sur ces images, on distingue mal Mme Ashtiani. Son visage est flouté, elle semble lire un texte qu’elle tient de la main gauche, et tient des propos qu’elle n’a jamais tenus auparavant, mettant en cause son avocat et les médias occidentaux... Téhéran est coutumier de ce genre de confessions. Le pouvoir fabrique des versions officielles.
Sur le fond, il est surprenant d’entendre Mme Ashtiani s’accuser elle-même de complicité de meurtre. Un nouveau pas paraît donc franchi : cette confession permet aux autorités de faire peser de nouvelles charges contre elle et ouvre la porte à un nouveau procès, pour complicité de meurtre cette fois. Elle échapperait alors à la lapidation mais risquerait la peine capitale par pendaison.
Ashtiani ne va donc pas être lapidée, comme le craignait Amnesty International ?
H. H. S. : Probablement pas. Car dans la loi islamique iranienne, les choses sont claires : seul l’adultère est puni par la lapidation, pour les hommes comme pour les femmes. Dans ce cas, seule la plus haute autorité judiciaire - en l’occurrence Sadeq Larijani, le frère du président du Parlement - peut intervenir et gracier la condamnée.
En revanche, en cas de condamnation pour meurtre, l’affaire passe dans la sphère privée : ce n’est plus la justice qui prononce la condamnation, mais la famille de la victime qui demande une peine. Cette peine peut être soit "le prix du sang" - le versement d’une forte somme d’argent à la famille de la victime -, soit la mort par pendaison.
Quelle est alors la stratégie de Téhéran dans l’affaire Ashtiani ?
H. H. S. : Prendre ses distances avec l’affaire pour ne pas être tenu pour responsable d’une lapidation qui suscite un mouvement de protestation international. Notre lecture de la confession diffusée mercredi soir est que le pouvoir iranien prépare une nouvelle accusation contre Mme Ashtiani, celle de complicité de meurtre, pour la faire condamner et se dégager de toute responsabilité. Les autorités pourront alors dire : "On ne peut rien faire, c'est la famille de la victime qui a décidé de la peine, pas la justice iranienne".