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Après l'assaut de la flottille humanitaire, deux versions des faits s'opposent

Moins de 48 heures après l’assaut mené par les forces armées israéliennes sur la flottille d’aide humanitaire destinée à la bande de Gaza, les circonstances de l’affrontement restent floues. Les deux camps revendiquent le rôle de l’agressé.

Dans la nuit de dimanche à lundi, la flottille humanitaire Free Gaza, destinée à apporter un soutien matériel à la bande de Gaza, a été interceptée par les forces armées israéliennes. L’assaut du corps d’élite Shayetet 13, une unité de marines spécialisée dans les opérations commando, a provoqué un tollé international.

Face à l’ampleur du bilan, le Conseil de sécurité des Nations unies a réclamé la tenue d’une enquête "rapide, impartiale, crédible et transparente" sur l’incident. Avant même le début de l’examen, deux versions des faits s’opposent.

Selon les images de l’assaut tournées par l’armée israélienne sur le Mavi Marmara, une trentaine de commandos armés est parvenue à s’infiltrer sur le pont du bateau, hélitreuillés par plusieurs hélicoptères dépêchés sur place.

Les soldats israéliens "attaqués" par les militants

Pour le porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahou, Mark Regev, c’est à ce moment que les soldats israéliens "ont été attaqués avec une extrême violence par les gens sur le bateau, avec des barres de fer, des couteaux et des tirs à balles réelles".

Une version que l’armée israélienne étaye avec des images publiées au matin de l’opération. On voit des commandos descendre en rappel sur le pont d’un bateau et se faire violemment attaquer par des passagers à coups de matraque, de piquets, de chaises et de projectiles divers.

Ron Ben Yishai, un journaliste israélien embarqué avec l’armée, rapporte pour le média israélien Ynetnews une scène relativement similaire à celle dépeinte par l’armée : "Un groupe d'hommes [une vingtaine d’individus] attendait les soldats sur le pont supérieur. L'auraient-ils pris au sérieux, ils auraient tirés des grenades lacrymogènes et fumigènes depuis l'hélicoptère pour créer un écran de fumée qui leur aurait permis de remplir leur mission, sans que les combattants tombent juste entre les mains des émeutiers, qui les attaquaient sévèrement."

Il appuie son récit avec le témoignage d’un soldat israélien impliqué dans les affrontements : "J’ai distinctement perçu le canon d’une arme à feu être pointé depuis le dessous de l’escalier d’appontage […]. Il nous a tiré dessus et nous avons répliqué. Nous n’avons pas vu si nous l’avions atteint. Nous l’avons recherché plus tard, mais nous ne l’avons pas retrouvé."

Cette situation tendue aurait, selon le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, poussé les forces armées engagées à "défendre leur vie", comme l’explicite le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié lundi : "Face à la nécessité de défendre leur vie, les soldats ont employé des moyens anti-émeute et ont ouvert le feu."

"Malgré le drapeau blanc"

Les organismes et journalistes embarqués sur la flottille ont une toute autre version. Un journaliste de la chaîne de télévision iranienne Press TV, à bord du Mavi Marmara, raconte au moment de l’assaut : "Nous sommes au milieu de gaz lacrymogène et de grenades aveuglantes. Nous sommes entourés de bâtiments de l’armée et des hélicoptères survolent la zone. Nous sommes attaqués de toutes parts."

À quelques minutes d’intervalle, un reporter d’Al Jazeera précise : "Les représentants de l’organisme viennent de me dire qu’ils ont hissé un drapeau blanc. Une personne a déjà été tuée ; un civil a été tué par des armes à feu et le bilan pourrait s’alourdir… Malgré le drapeau blanc… Malgré le drapeau blanc hissé par l’organisation, l’armée israélienne continue de tirer."

Dans un communiqué publié mardi, l’organisation Free Gaza soutient également une version des faits qui incrimine les actes des soldats israéliens : "Ils ont commencé à tirer dès que leurs pieds ont touché le pont. Ils ont tiré sur le groupe de civils endormis."

Et avec le retour en Europe de certains passagers de la flottille, mardi, le scénario développé par les journalistes sur place a gagné en crédibilité. "J'ai personnellement vu deux bâtons en bois qui ont été utilisés [...]. Il n'y a rien eu de plus", a témoigné Norman Paech, 72 ans, ancien député allemand d'extrême gauche, qui était à bord du ferry turc au moment de l’assaut. "Nous n'avons jamais vu de couteau utilisé comme arme. C'est avec des bâtons qu'on s'est défendu", a-t-il confié mardi à l’AFP au cours d'une conférence de presse.